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Le mariage de la licorne

Le mariage de la licorne

Titel: Le mariage de la licorne Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Marie Bourassa
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blessures nobles. Vous avez l’œil pour les reconnaître. Le reste ne vaut pas la peine d’être vu.
    — Louis… que… que vous est-il arrivé ?
    — Toutes sortes de choses.
    Il détourna son attention des anciennes brûlures qu’il avait au bras, n’ayant aucune envie de lui relater son séjour avec les Pénitents ou les sévices paternels, et il désigna sa cuisse droite, ainsi que son flanc gauche, en précisant :
    — Maupertuis. Il y a dix ans.
    — Et le reste ?
    — Rien d’important. Laissez tomber.
    — Non. Je veux savoir. Dites-le-moi. Je suis votre femme et j’estime que j’ai droit à la vérité.
    — Oh, et puis merde. Ça ne se voit pas, ce que c’est ? Non ? Des coups de scorpion et des marques de torture. Voilà, vous êtes contente ?
    Le menton de Jehanne se mit à trembler. Livide, elle eut elle-même l’air mortellement blessée. Louis dit :
    — Je vous avais avertie.
    Il s’apprêtait à lui ordonner : « Maintenant recouchez-vous, qu’on en finisse », mais elle l’attira à elle pour l’étreindre fortement.
    — Non, non, ne vous méprenez pas.
    — Hein ?
    Il ne comprenait plus rien. Jehanne écrasa une larme naissante en clignant des yeux et dit :
    — Comme vous avez dû avoir mal dans la vie. Louis, j’ignorais qu’on ait pu… Vous êtes si fort. Jamais je n’aurais pu imaginer… Si j’avais su avant… Cela change tout.
    — Comment ?
    — Vous savez. Vous savez ce que vous faites. Je veux dire… vous en êtes conscient, lorsque vous… là-bas, à Caen.
    Jehanne caressa avec dévotion la zone suturée. Elle semblait sincèrement souffrir pour lui et cette empathie le mit beaucoup plus mal à l’aise que la rebuffade à laquelle il s’était attendu. La compassion, c’était habituellement réservé aux victimes, pas à lui. Lui, il n’avait été que l’enfant indigne qu’on avait puni parce qu’il le méritait, il n’avait été que le prisonnier offert en sacrifice par son père qui n’avait jamais voulu de lui. Mais il y avait autre chose dans ce que sa femme venait de dire qui le dérangeait beaucoup. Il n’était pas sûr de comprendre tout à fait ce qu’elle éprouvait pour lui.
    Jehanne s’inclina pour poser tendrement les lèvres sur la cicatrice de l’épaule tandis qu’une main tendre errait le long de l’abdomen de Louis et descendait imperceptiblement. Ces premiers attouchements timides de Jehanne le rendirent nerveux. À sa souvenance, personne ne l’avait plus touché là depuis près de vingt ans. Il n’eût jamais cru que cela pouvait susciter en lui autant d’angoisse, mais il se contraignit à l’immobilité. Doucement, Jehanne glissa ses mains tremblantes sous ses organes génitaux et s’inclina pour les regarder de plus près, telle une enfant curieuse. Il retint son souffle, mais la laissa faire. Il savait qu’elle n’avait jamais vu ceux d’un adulte et que cela faisait partie intégrante des prémisses de la vie sexuelle. Il se souvint que lui-même avait fait ce genre d’examen avec sa chère Églantine jadis, et elle avec lui. Pourtant il ne pouvait s’empêcher d’en ressentir un fort malaise, car son souvenir évoquait deux adolescents, alors que maintenant il avait devant lui une jeune femme dont il eût pu être le père. Le père.
    Jehanne caressa l’organe tiède et le pressa contre sa joue afin d’en sentir la peau nervurée par la cicatrice. Instinctivement, il saisit la jeune femme par les cheveux, mais il se retint de tirer. Il abaissa son regard sur elle et expliqua, d’une voix rauque :
    — Normalement, lorsque vous faites cela à un homme, il durcit. La main fureteuse hésita sous le pénis flasque. Jehanne demanda :
    — Alors, pourquoi il ne… Vous n’aimez pas ?
    — Ce n’est pas cela. Il y a longtemps, c’était pendant la peste, on m’a brûlé là et j’ai été laissé pour mort. Des moines m’ont secouru. Ils m’ont soigné au mieux, mais ça… Je ne sais pas… Il y a longtemps que ça ne me le fait plus.
    La voix lui manqua et il déglutit péniblement. Jehanne ne pouvait s’imaginer combien cette confidence lui coûtait. Elle le prit à nouveau dans ses bras. Il ne répondit pas à son étreinte. Il tremblait.
    — Pas un mot là-dessus. À personne !
    — Non, bien sûr.
    — J’ai retrouvé celui qui m’a fait ça. Il n’existe plus. Elle se recula pour lui jeter un regard effrayé.
    — Est-ce vous qui…
    — Oui.
    Elle secoua

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