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Le mariage de la licorne

Le mariage de la licorne

Titel: Le mariage de la licorne Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Marie Bourassa
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franc et ouvert, où l’hostilité se faisait aussi aisément comprendre qu’une enluminure dans un livre d’heures. Sam et Jehanne étaient des êtres supérieurs, issus d’une autre race. Quelque part dans un passé enfoui, le garçon indigne qu’il avait été frémit. Quelque chose en eux lui rappelait les Bonnefoy. Il ressentit avec toute l’acuité du présent l’affreuse impression qu’il n’était pas à sa place en un tel lieu. Il recula d’un pas.
    Jehanne avait rejoint la cornemuse en haut.
    — Vous feriez un bon méchant, dit Sam à Louis, qui sursauta au contact inattendu de la porte dans son dos. Il prit conscience seulement alors qu’il avait reculé jusque-là. Et que Sam, souriant, l’y avait suivi sous le regard intrigué de Jehanne. Il semblait bien qu’ils jouaient déjà à la guerre tous les deux. Le petit Écossais demanda :
    — Avez-vous peur des chats ?
    — Non…
    Sam se sentait comme pris d’ivresse. Le nouveau maître était inexplicablement intimidé. Peu importait par quoi. Le garçon décida d’en profiter et dit, tout bas :
    — Un jour, je deviendrai un vrai chevalier. Je vais occire tous les méchants que je verrai.
    L’homme le toisa de telle façon que, subitement, Sam rougit de confusion. Il se sentit mal à l’aise comme s’il avait menti. Un nouveau son mat détourna leur attention : Jehanne s’était laissée à son tour choir dans le foin et elle roulait en bas de la meule.
    — Que faites-vous donc ?
    — Rien, dit Louis qui demeurait adossé contre la porte.
    — On joue, alors ?
    — Pas moi. D’être allé à la guerre me suffit.
    Sam faillit en laisser s’évaporer l’armure magnifique qu’il venait de forger pour son personnage de preux guerrier.
    — C’est vrai ? Où ça ? demanda-t-il, les yeux écarquillés.
    — Maupertuis.
    Le personnage valeureux de Sam se mua immédiatement en une sorte de Philippe le Hardi (31) qui, au lieu du roi de France, s’apprêtait à protéger la reine sur le champ de bataille. Sa reine Jehanne à lui.
    Ce beau rêve fut dérangé par la présence même de celui qui l’avait évoqué. Les quillons du damas* suspendu au baudrier attirèrent le regard à la fois haineux et admiratif du gamin.
    — Montrez-moi ça, dit-il.
    Louis ne voulait pas déplaire à ces enfants. Il s’avança et dégaina son épée qu’il tint d’une main, lame basse.
    — Woh ! On dirait une claidheamh mr*. Vous avez une armure ?
    — Plus exactement une broigne*.
    — Faut que je voie ça !
    — Mes effets sont dans une malle qui doit m’être apportée par charrette demain.
    L’un des chats vint renifler les heuses du nouveau venu et ondula autour de ses chevilles. Louis dit :
    — Veuillez m’excuser. Il se fait tard et j’aurais besoin de dormir.
    — Bonne nuit, dit Jehanne.
    Il s’inclina légèrement et tourna les talons. Il ne rengaina son arme qu’une fois qu’il fut sorti de la tour pour se fondre dans l’obscurité.
    — Il craint les chats, dit Sam, qui retourna à sa cornemuse. Jehanne monta s’asseoir à ses côtés et l’écouta jouer un moment.
    — Tu souhaitais devenir un ménestrel, dit la fillette.
    — Je puis être les deux, maintenant. À la fois guerrier et musicien. Savais-tu qu’à Venise, les rues sont faites avec de l’eau ?
    — C’est vrai ? Cela doit être drôle à voir.
    — Nous irons là-bas un jour. Tiens. Écoute.
    La cornemuse se mit à bégayer un air qui lui était peu familier sous l’écoute attentive des deux enfants. Dehors, au creux de la forêt, la mélopée nocturne des loups commençait.
    Margot enveloppa une pierre chaude dans une vieille retaille de cuir qui avait dû appartenir à un tablier de forgeron. Elle la remit à Louis.
    — Tenez, pour réchauffer votre couche.
    La gouvernante veillait à ce qu’il y eût toujours dans l’âtre quelques-unes de ces pierres que l’on pouvait emporter avec soi pour chauffer rapidement de petites quantités d’eau ou de soupe. On pouvait également s’en réchauffer les pieds. Lorsque la pierre refroidissait, on enlevait le cuir afin d’être directement en contact avec elle. Par temps froid, l’effet d’une pierre durait plusieurs heures. Une fois refroidie, il fallait qu’on songe à la remettre au feu pour la nuit ou pour le jour suivant de manière à ce qu’elle soit prête pour son prochain utilisateur. Il y en avait continuellement en rotation pour tout le monde, de jour comme

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