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Le mariage de la licorne

Le mariage de la licorne

Titel: Le mariage de la licorne Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Marie Bourassa
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de nuit.
    — Merci, dit Louis.
    — Hubert vous a également préparé un brasero*.
    La grande pièce, avec ses deux fenêtres à chaque bout, toutes deux recouvertes de parchemin ciré, n’était pas sans évoquer le repaire de son enfance. Il posa son bougeoir et se changea près du brasero* circulaire. Par habitude, il prit dans sa besace un sachet d’herbages aromatiques dont il saupoudra les braises. Une petite fumée bleutée et parfumée comme de l’encens alla se perdre dans le tressage en chaume du toit. Il marcha en direction de l’une des fenêtres dont il ouvrit les volets.
    Il n’y avait tout autour qu’une terre d’encre, rendue méconnaissable par les mystères de la nuit. Loin, à l’autre bout du préau, derrière un enchevêtrement rigide de branches dénudées, il discerna la lueur vacillante d’une autre chandelle qui palpitait comme la sienne. Il demeura longtemps seul au milieu du chant des loups, avec une cornemuse d’humeur romantique qui rêvait encore.
    Beaucoup plus tard, la chandelle de la tour finit par s’éteindre et la musique se tut. La clameur des loups parut encercler la maison. Elle alla s’amplifiant, se rapprochant. Louis se rendit compte que la flamme de sa chandelle tétait laborieusement un bout de mèche qui disparaissait dans le support de son bougeoir. Elle devint bleutée avant de s’éteindre à son tour. Il referma doucement ses volets et appuya le front contre le cuir frais. Il constatait à quel point la compagnie de cette nouvelle maisonnée lui avait occupé l’esprit toute la journée. Il avait soudain peur de se retrouver seul avec ses pensées.
    *
    Hiscoutine, deux semaines plus tard
    À chaque pas que Louis faisait, Aedan, Hubert, Toinot et Thierry devaient en allonger deux. Le groupe d’hommes traversa la cour parsemée d’arbustes épineux qui, à la nuit tombante, ressemblaient à de petits bonhommes accroupis. Il y avait des aubépines, du houx et les inévitables roncières. À l’exemple des Anglais, la ramée et la végétation sauvage enserraient la terre de près et y régnaient en despotes.
    Les hommes s’arrêtèrent à la porte du moulin. Louis leur fit face et dit :
    — Le pain que vous mangez donne dans la soupe une colle noire et amère. Même avec du sel, il est infect et c’est pourquoi je l’ai utilisé pour faire des beignets. Cela l’a rendu un peu plus mangeable.
    — Ça, vous pouvez le dire, dit Aedan qui ne s’était pas privé de ces délicieuses pâtisseries frites pendant le peu de temps qu’ils en avaient eu. Bon Dieu, qu’ils étaient bons, ces beignets. Même la Margot n’en revenait pas.
    Louis reprit :
    — J’ai pu vérifier que les blés du pays d’où provenait ce pain ne sont pas à blâmer ; ils ont été récoltés à temps et ils sont sains. L’explication est simple : c’est qu’on ne sait plus comment s’y prendre pour fabriquer la farine et pour s’en servir. Les méthodes des vieux sont en train de se perdre.
    Une pointe de nostalgie l’assaillit, alors que, l’espace d’une seconde, il revit la meunerie des Bonnefoy avec sa fine poussière d’or qui parlait d’une abondance révolue.
    Aedan opina en jetant un rapide coup d’œil aux autres.
    — Vous êtes moins sot que je ne l’avais cru, pour un sang de navet*, dit-il.
    Louis ne releva pas cette remarque et poursuivit :
    — Je peux tout de suite vous certifier qu’ils utilisent un levain trop faible, voire pourri, et leur pétrissage est sans soin. Leur four est récent et mal conçu. Sa voûte est trop haute. Le pain y cuit de façon inégale. Mais le pire n’est pas là. Il désigna le moulin.
    — Le meunier du village où vous vous approvisionniez brûle la farine sous ses meules.
    — Tout se tient, dit Aedan.
    — En effet. À bon moulin, tout fait farine. C’est pourquoi nous allons nous empresser de remettre ce bâtiment en état. Hubert, tu seras notre meunier.
    — Hein ? Quoi ? fit le doux Hubert d’un air effaré.
    — Et, en attendant que le moulin soit fonctionnel, nous allons utiliser les broyeurs en granit que j’ai eu la fortune de dénicher en ville cette semaine (32) .
    — Mais écoutez, c’est que moi, je n’y connais rien, dit le mari de Margot. C’est pas à mon âge qu’il faut changer de métier. Déjà que le climat d’ici ne me réussit guère.
    — Je l’ai bien fait, moi, fit remarquer Aedan. Par la boudiné ratatinée de ton grand-père, j’étais déjà plus âgé

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