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Le médecin d'Ispahan

Le médecin d'Ispahan

Titel: Le médecin d'Ispahan Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Noah Gordon
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négligemment la question. Le capitaine des Portes réfléchit.
    « Il y a
quelques années », dit-il enfin.
    Reza la Pieuse
n'avait pas dû attirer Ala ; il avait donc fait valoir ses droits sur
Despina. Et, tandis que Khuff montait la garde, il avait gravi l'escalier dans
la tour de pierre, jusqu'à son petit corps voluptueux...
     
    Rob utilisait
avec aisance les instruments chirurgicaux, comme des prolongements de ses
mains. Al-Juzjani passait de plus en plus de son précieux temps à lui expliquer
chaque technique. Les Persans connaissaient plusieurs procédés pour
insensibiliser les patients ; le chanvre indien macéré dans l'eau d'orge
donnait une infusion qui les laissait conscients mais supprimait la douleur.
Rob passa deux semaines avec les maîtres du trésor des drogues, pour apprendre
à préparer les somnifères ; ces substances, difficiles à doser et aux
effets imprévisibles, permettaient parfois d'éviter en cours d'opération les
mouvements convulsifs, les plaintes et les cris de douleur.
    Certaines
formules tenaient moins de la médecine que des recettes de bonnes femmes. Tel
ce mélange de viande de mouton et de graines de jusquiame laissé dans un pot de
terre couvert de fumier de cheval jusqu'à ce qu'il produise des vers ;
placés dans un récipient de verre, ceux-ci se dessécheront :
« Prenez-en deux parts pour une part d'opium et instillez le mélange dans
le nez du patient. »
    L'opium, base
de toutes les formules contre la douleur, était extrait du jus du pavot, qui
poussait dans la campagne d'Ispahan, mais la demande dépassait la production
car on l'utilisait aussi à la mosquée pour les rites des musulmans
ismaéliens ; on en importait donc de Turquie et de Ghazna. « Prendre
de l'opium pur et de la muscade, réduire en poudre et cuire ensemble, puis
laisser macérer dans du vin vieux pendant quarante jours. Exposer le flacon au
soleil et il se formera bientôt une pâte. Si l'on en fait une pilule et qu'on
l'administre à quelqu'un, il tombera aussitôt dans l'inconscience et perdra
toute sensibilité. »
    Une autre
formule était beaucoup plus utilisée, parce qu'Ibn Sina la préférait :
« Prendre à parties égales jusquiame, opium, euphorbe et graines de
réglisse. Les moudre séparément puis mélanger le tout dans un mortier. Placer
un peu de cette mixture sur n'importe quel aliment et quiconque en mangera
s'endormira aussitôt. »
     
    Rob avait
l'impression qu'al-Juzjani lui en voulait de ses relations avec Ibn Sina, mais
en fait il eut bientôt l'usage de tous les instruments de chirurgie et les
autres étudiants, estimant qu'il prenait plus que sa part des travaux
intéressants, manifestèrent ouvertement leur jalousie. Peu lui importait car il
apprenait plus qu'il ne l'avait jamais espéré. Un après-midi, ayant opéré seul
une cataracte – la consécration en chirurgie –, il voulut remercier son maître,
qui l'interrompit brusquement.
    « Tu as
un don pour opérer. C'est rare, et ma conduite est égoïste : tu me
rapportes beaucoup de travail. »
    C'était
vrai ; jour après jour il amputait, soignait toute sorte de blessures,
sondait des abdomens pour relâcher la pression des fluides dans la cavité
péritonéale, réduisait des hémorroïdes et des veines variqueuses...
    « Tu
coupes trop ! » lui dit Mirdin, toujours perspicace, pendant une
partie de jeu du chah. Dans la pièce voisine, Fara écoutait Mary chanter une
berceuse écossaise pour endormir ses enfants.
    « La
chirurgie m'attire », reconnut Rob.
    Il pensait
depuis peu s'y consacrer quand il aurait fini ses études. Contrairement à
l'Angleterre, la Perse assurait à la profession prestige et prospérité. Mais il
restait des objections.
    « Nous
sommes obligés de limiter nos intervenons à la surface du corps ;
l'intérieur demeure un mystère.
    – Et c'est
bien ainsi, dit paisiblement Mirdin en prenant un guerrier à son adversaire
avec un de ses propres fantassins. Chrétiens, Juifs et musulmans condamnent
comme un péché la profanation du corps humain.
    – Il ne s'agit
pas de profanation, mais de chirurgie et de dissection. Les Anciens avaient la
liberté d’ouvrir le corps pour l'étudier ; ils disséquaient les cadavres
et observaient l'anatomie interne. Une brève lumière qui a éclairé toute la
médecine, puis le monde est retombé dans la nuit... Pourtant, pendant ces
siècles d'ignorance, il y a eu peut-être quelques lueurs secrètes. Des hommes
ont

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