Le médecin d'Ispahan
jours au nord de Mansoura.
« Ala a
décidé de marcher sur Kausambi. »
On capturerait
le forgeron indien et on le ramènerait à Ispahan, où il forgerait des armes
« aux volutes » pour assurer au chah la victoire sur ses voisins et
la puissance de la grande Perse d'autrefois.
C'était facile
à dire mais plus difficile à réaliser. Kausambi, sur la rive occidentale de
l'Indus, comptait quelques douzaines de pauvres maisons de bois, le long de
quatre rues poussiéreuses qui menaient à la garnison militaire. Là encore, on
attaqua par surprise en passant silencieusement à travers la forêt ; les
soldats indiens abandonnèrent aussitôt la place, telle une bande de singes
effrayés.
Ala, ravi,
crut que la lâcheté de l'ennemi lui assurait une victoire facile. Sans perdre
de temps il mit son épée sous la gorge d'un villageois terrifié qui le
conduisit chez le forgeron Dhan Vangalil. C'était un homme noueux au regard
paisible et aux cheveux gris, dont la barbe blanche dissimulait mal le visage
encore jeune. Il accepta tout de suite de partir pour Ispahan au service du
chah ; mais il préférerait la mort si on ne l'autorisait pas à emmener sa
femme, ses deux fils et sa fille, ainsi que le matériel nécessaire pour la
fabrication de l'acier, en particulier une importante réserve de lingots carrés
d'acier indien. Le roi acquiesça.
Ils n'étaient
pas partis que les éclaireurs apportaient des nouvelles alarmantes. Les troupes
indiennes, loin de s'enfuir, avaient pris position dans la forêt vierge et le
long de la route, prêtes à attaquer quiconque tenterait de quitter le village.
Ala, sachant
la faiblesse de leurs moyens et la difficulté pour eux d'obtenir de prompts
renforts, donna l'ordre de nettoyer la forêt et d'évacuer aussitôt les victimes
afin d'empêcher l'ennemi d'estimer les pertes et les effectifs. Le combat fut
long et féroce. Les morts persans furent déposés dans la poussière d'une rue de
Kausambi, tandis que les prisonniers de Mansoura leur creusaient une fosse
commune.
Le premier
cadavre qu'on apporta, dès le début de la bataille, fut celui du capitaine des
Portes, percé d'une flèche dans le dos. Cet homme qui ne souriait jamais était
une légende et ses cicatrices résumaient l'histoire de dures campagnes au
service de deux rois. Tout le jour, les soldats persans défilèrent devant sa
dépouille. Exaspérés par cette mort, ils ne faisaient plus de prisonniers et
tuaient même ceux qui voulaient se rendre.
Deux fois par
jour, on rassemblait les blessés dans une clairière, où ils recevaient les
premiers soins avant d'être portés au village. Sur les trente-huit blessés de
Mansoura, onze seulement avaient survécu ; il s'y ajouta trente-six
nouvelles victimes pendant ces trois jours de combats. Les Persans avaient
perdu quarante-sept soldats. Les chirurgiens firent quatre amputations en
respectant les principes d'Ibn Sina, mais le dernier jour, Rob manquant d'huile
utilisa du vin pour laver les blessures avant de les panser – ce que faisait
autrefois le Barbier avec de l'hydromel.
Au milieu de
la matinée, avec un nouveau groupe de blessés, on apporta un corps enveloppé de
la tête aux chevilles dans une couverture indienne.
« Je ne
prends que les blessés », dit Rob vivement.
Mais, comme
les porteurs l'avaient posé à terre et attendaient, il remarqua soudain, aux
pieds du mort, les chaussures de Mirdin.
« S'il
avait été un soldat ordinaire, on l'aurait porté dans la rue, mais c'est un
hakim et nous le ramenons à l'autre hakim. »
Ils étaient,
dirent-ils, sur le chemin du retour quand un Indien surgissant des broussailles
avait frappé Mirdin d'un coup de hache avant d'être battu lui-même. Rob les
remercia et ils s'en allèrent. Sous la couverture, c'était bien Mirdin, en
effet, les traits convulsés, l'air troublé, un peu fou.
Il ferma les
yeux amicaux et la longue mâchoire. Sans penser, agissant comme un homme ivre,
il réconfortait les mourants et soulageait les blessés, mais revenait toujours
s'asseoir près de son ami. Il baisa sa bouche froide, essaya de prendre sa
main, mais Mirdin n'était plus là. Dieu veuille qu'il ait franchi l'un de ses
ponts !
Quand il
revint à midi, après avoir procédé à une dernière amputation, les mouches
étaient déjà là. Il leva la couverture, découvrit la poitrine ouverte par la
hache et, se penchant sur la profonde blessure, il l'élargit de ses deux mains.
Alors il
oublia
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