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Le médecin d'Ispahan

Le médecin d'Ispahan

Titel: Le médecin d'Ispahan Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Noah Gordon
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trois cuillerées de pus : le foyer
d'infection qui faisait tant souffrir Qasim ; la douleur avait dû cesser
quand le tissu atteint s'était rompu. Un liquide sombre et fétide s'était
répandu dans le ventre ; il y trempa le bout du doigt pour le flairer car
c'était sans cloute le poison qui avait causé lu fièvre et la mort.
    N'osant
examiner les autres organes, il recousit soigneusement le corps – pour une
éventuelle résurrection –, ceignit les hanches d'un grand linge, croisa les
poignets et les attacha. Puis il l'enveloppa d'un linceul et le reporta à la
morgue en attendant l'inhumation du lendemain matin.
    « Merci,
Qasim, dit-il d'un air sombre. Repose en paix. »
    Emportant une
chandelle aux bains du maristan, il s'y lava minutieusement et changea de
vêtements, mais l'odeur de la mort semblait le poursuivre et il se frotta les
mains et les bras avec une eau de senteur. Dehors, dans la nuit, la peur ne le
quittait pas, il ne pouvait croire à ce qu'il avait fait. L'aube était proche
quand il se coucha enfin. Mary le trouva le matin profondément endormi, et
resta pétrifiée en respirant, comme la présence d'une autre femme, un parfum de
fleurs dans sa maison.

71. L'ERREUR D'IBN SINA

 
    « J e vais te montrer un trésor », dit Yussuf ul-Gamal.
    C'était une
copie du Canon de médecine d'Ibn Sina, faite par un scribe de ses amis
qui voulait la vendre. Les lettres noires, dessinées avec amour, ressortaient
sur l'ivoire des pages. Le manuscrit comptait plusieurs cahiers, faits de
grandes feuilles de vélin pliées et coupées pour être tournées une à une ;
puis on avait cousu les cahiers, réunis sous une couverture de fine peau d'agneau.
Rob demanda le prix.
    « Il en
veut quatre-vingts bestis d'argent. »
    Le hakim fît
la moue, il n'était pas assez riche, Mary, oui, mais maintenant...
    « Je peux
te le garder deux semaines. Tu auras l'argent d'ici là ?
    – Bon,
garde-le. Si c'est la volonté de Dieu... »
     
    Rob posa une
forte serrure sur la porte de la chambre près de la morgue ; il y apporta
une seconde table, des scalpels et tout un matériel pour écrire et dessiner.
Puis un jour, avec quelques étudiants robustes, il rapporta du marché la carcasse
fraîche d'un porc. Personne ne s'étonna qu'il voulût procéder à quelque
dissection. Alors, resté seul cette nuit-là, il déposa sur la table libre le
cadavre d'une jeune femme nommée Melia, morte quelques heures plus tôt. Il
était cette fois plus impatient et moins effrayé, ayant réfléchi sur sa peur.
Pas de sorcellerie dans sa démarche, mais le travail du médecin pour protéger
la plus belle création de Dieu en approfondissant la connaissance d'un être si
complexe et si intéressant.
    Ouvrant le
porc et la femme, il entreprit la comparaison minutieuse des deux anatomies.
Inspectant d'abord la région de l'affection abdominale, il vit immédiatement
que le caecum du porc, au début du gros intestin, mesurait près de dix-huit
pouces de long, tandis que celui de la femme n'en faisait pas plus de deux ou
trois, les largeurs étant en proportion. Et puis, quelque chose était attaché
au caecum humain : on aurait dit un ver de terre rose ! Or, le porc
n'en avait pas, et l'on n'avait jamais observé un pareil appendice sur aucun
porc.
    Il ne se
pressa pas de conclure. La petite taille du caecum chez la jeune femme pouvait
être une anomalie et le « ver », une forme rare de tumeur. Mais, les
nuits suivantes, il ouvrit le corps d'un adolescent, ceux d'une femme d'un certain
âge et d'un bébé de six mois. Il trouva chaque fois le même appendice :
les organes humains n'étaient pas identiques à ceux du porc.
    « Sacré
Ibn Sina, murmura-t-il. Tu t'es trompé ! »
    Malgré les
écrits de Celsus et l'enseignement de milliers d'années, l'homme et la femme
étaient uniques. Qui sait quels mystères étonnants on pourrait découvrir et
expliquer rien qu'en interrogeant l'intérieur des corps ?
    Avant de
rencontrer Mary, Rob avait toujours été seul et abandonné. Abandonné, il
l'était de nouveau et ne pouvait le supporter. En rentrant une nuit, il se
coucha près d'elle entre les lits des enfants endormis. Il n'essaya pas de la
toucher, mais elle se retourna comme une bête sauvage et le gifla. Grande et
forte comme elle était, elle lui fit mal. Il lui prit les mains et les lui
plaqua sur les hanches.
    « Folle !
dit-il.
    – Ne
m'approche pas quand tu reviens des bordels persans ! »
    Il

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