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Le médecin d'Ispahan

Le médecin d'Ispahan

Titel: Le médecin d'Ispahan Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Noah Gordon
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craignait donc d'être convoqué. Il apprit
avec stupéfaction qu'Ibn Sina s'était porté volontaire pour diriger l'équipe
médicale de l'armée.
    « Quel
gâchis d'envoyer un cerveau pareil à la guerre ! Il est vieux et n'y
survivra pas.
    – Il n'a pas
soixante ans, mais il tient à cette dernière campagne, soupira al-Juzjani. Avec
l'espoir, peut-être, d'une flèche ou d'un coup de lance : une mort plus
rapide que celle qui l'attend. »
    Al-Juzjani
devenait médecin-chef ; triste promotion pour la communauté médicale qui
perdait la direction d'Ibn Sina. Rob consterné se voyait chargé de multiples
tâches que l'un et l'autre ne pouvaient plus assumer, sans compter les cours de
plusieurs médecins qui partaient avec l'armée. Il devint en outre membre
permanent du jury d'examen et du comité chargé de la coordination entre l'école
et l'hôpital. La première réunion de ce comité à laquelle il assista se tenait
chez Rotun bin Nasr ; directeur de l'école à titre honorifique, il avait
prêté son superbe appartement et donné des ordres pour le repas qui serait
servi aux médecins.
    On apporta
d'abord des tranches de ces melons verts à la saveur exceptionnelle que Rob
n'avait goûtés qu'une fois ; il allait en faire la remarque quand son
ancien professeur, Jalal ul-Din, lui dit en souriant :
    « C'est à
la nouvelle épouse du directeur que nous devons ce fruit délicieux. Vous savez
qu'il est aussi général et cousin du chah. Ils se sont vus la semaine dernière
pour la préparation de la guerre et Ala a sans doute rencontré la jeune femme.
Quand les semences royales ont été plantées, il y a toujours un cadeau de melons
verts et, s'il en résulte un fruit mâle, le don princier d'un tapis
samanide. »
     
    Rob, incapable
de continuer le repas, prétexta malaise et sortit, bouleversé. Au Yehuddiyyeh,
Rob J. jouait avec sa mère dans le jardin, mais le nouveau-né était dans son
berceau. Il le regarda intensément : un tout-petit, le même qu'il aimait
ce matin en quittant la maison. Il prit le tapis dans le coffre de bois de
santal et l'étendit par terre à côté du berceau.
    Quand il se
retourna, Mary était sur le seuil et ils se regardèrent. C'était donc vrai.
Déchiré de douleur et de pitié, il voulut la prendre dans ses bras mais se
surprit à l'agripper violemment des deux mains, sans pouvoir dire un mot. Elle
se dégagea et croisa ses bras sur sa poitrine.
    « Tu as
voulu nous garder ici. Moi, j'ai voulu nous garder en vie », dit-elle avec
mépris.
    La tristesse
de ses yeux s'était changée en froideur, le contraire même de l'amour.
L'après-midi, elle déménagea dans la pièce à côté, acheta une couche étroite et
l'installa pour y dormir entre les lits de ses enfants, près du tapis des
princes samanides.

70. LA CHAMBRE DE QASIM

 
    Incapable de dormir cette nuit-là, Rob se sentait ensorcelé, comme si le sol s'était
dérobé sous ses pieds et qu'il lui fallût parcourir un long chemin dans le
vide. Il arrivait en pareil cas, se disait-il, qu'un homme tue la mère et
l'enfant, mais il savait Tarn et Mary en sécurité dans l'autre pièce. Des idées
folles le hantaient mais il n'était pas fou.
    Il se leva le
matin pour aller au maristan, où les choses n'allaient pas mieux. Quatre
infirmiers, pris par l'armée, n'étaient pas encore remplacés et les autres
débordés, faisaient grise mine. Il visita les malades et travailla sans aide,
s'arrêtant parfois pour baigner un front fiévreux, désaltérer une bouche sèche
ou nettoyer là où personne n'avait le temps de le faire. Il découvrit ainsi
Qasim qui, ayant abandonné sa chambre pour une place parmi les patients,
gisait, blême, gémissant, le sol près de lui souillé de vomissures. Il
souffrait de nouveau, avoua-t-il, depuis une semaine.
    « Pourquoi
ne me l'as-tu pas dit ?
    – Je prenais
mon vin et la douleur passait, mais maintenant, hakim, rien n'y fait et je ne
peux plus tenir. »
    Il était
fiévreux mais non brûlant, le ventre sensible mais souple. La souffrance,
parfois, le faisait haleter comme un chien ; il avait la langue chargée et
mauvaise haleine.
    « Je vais
te préparer une infusion.
    « Allah
vous bénisse, seigneur. »
    Rob mélangea
des opiacés et du buing au vin que le vieux aimait, et lut dans ses yeux,
pendant qu'il buvait, un pressentiment terrible.
    A travers les
minces écrans des fenêtres ouvertes, les bruits de la ville envahissaient le
maristan. Le peuple

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