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Le médecin d'Ispahan

Le médecin d'Ispahan

Titel: Le médecin d'Ispahan Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Noah Gordon
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comme une feuille flétrie. Dans le
cadavre d'un enfant, il découvrit d'où le cancer tenait son nom : la
tumeur avide en forme de crabe étendait ses pinces et ses griffes dans toutes
les directions. Ailleurs il vit un foie devenu jaunâtre et dur comme du bois.
    La semaine
suivante, il disséqua une femme enceinte de plusieurs mois et dessina la
matrice dans le ventre gonflé, comme un vase renversé abritant la vie qui s'y
était formée. Il lui donna les traits de Despina, à jamais stérile, et l'appela
la Femme enceinte. Et une nuit, assis à sa table de dissection, il créa un
jeune homme qui avait le visage de Karim, imparfait sans doute mais
reconnaissable pour qui l'avait aimé. Il dessina le corps comme si la peau
avait été de verre, et ce qu'il ne pouvait pas voir, il le représenta d'après
ce qu'en avait dit Galien. Il savait que certains détails étaient inexacts mais
le dessin était remarquable car on y voyait les organes et les vaisseaux
sanguins comme si l'œil de Dieu regardait au travers de la chair.
    Il termina son
dessin dans l'exaltation, le signa, le data et l'appela l'Homme transparent.

73. LA MAISON DE HAMADHAN

 
    On n'avait aucune nouvelle de la guerre. Quatre caravanes de ravitaillement
étaient parties, comme prévu, à la recherche de l'armée mais on ne les avait
jamais revues ; sans doute, ayant retrouvé Ala, avaient-elles rejoint ses
troupes. Et puis, un après-midi, juste avant la quatrième prière, un cavalier
arriva pour annoncer le désastre.
    Quand Masud
s'était arrêté à Ispahan, ses forces étaient déjà engagées contre les Persans.
Il avait envoyé deux de ses meilleurs généraux organiser l'attaque. Cachés
derrière le village d'al-Karaj, ils avaient scindé leurs troupes en deux corps,
qui avaient surpris Ala sur ses deux flancs, se rejoignant en vaste mouvement
tournant pour l'encercler, comme pris au filet.
    Les Persans
avaient tenté de se reprendre et s'étaient vaillamment battus, mais, débordés,
ils avaient perdu du terrain, pour découvrir enfin qu'une troisième armée,
conduite par le sultan, attaquait leurs arrières. La cavalerie de Masud, peu
nombreuse et rompue aux manœuvres perfides, renouvela la bataille historique
des Romains et des Parthes : harcelant l'ennemi, elle disparaissait pour
sans cesse reparaître. Puis, à la faveur d'une tempête de sable, Masud lança
contre les Perses décimés et désorganisés une offensive générale de ses trois
armées. Au matin, le soleil se leva sur ce qui avait été l'armée persane :
des corps d'hommes et de bêtes sous un tourbillon de sable. Quelques-uns
s'étaient échappés ; Ala était-il parmi eux ? Le messager n'en était
pas sûr.
    « Qu'est
devenu Ibn Sina ? lui demanda al-Juzjani.
    Il a quitté
l'armée bien avant al-Karaj. Une douleur terrible lui enlevait tous ses moyens
et, avec la permission du chah, le plus jeune des médecins, Bibi al-Ghuri, l'a
emmené à Hamadhan. Le maître y a encore une maison qui appartenait à son père.
    – Je la
connais. »
    Sachant que le
chirurgien voudrait s'y rendre, Rob demanda à l'accompagner ; il perçut
dans son regard un éclair de jalousie, vite réprimé, et ils partirent
immédiatement.
     
    Ce fut un
voyage triste et pénible. Al-Juzjani était accablé de chagrin ; ils
pressaient leurs montures, craignant d'arriver trop tard. Ils avaient fait un
détour par l'est pour éviter la guerre. Peut-être durait-elle encore dans la
région de Hamadhan. Mais, quand ils atteignirent la capitale qui donnait son
nom à tout le territoire, ils la trouvèrent paisible et endormie, sans aucune
trace du grand massacre qui s'était produit quelques milles plus loin.
    La maison de
pierre et de boue convenait mieux à Ibn Sina que sa grande propriété
d'Ispahan ; comme ses vêtements habituels, elle était vieille, quelconque
et confortable. Mais il y régnait l'odeur de la maladie. Rob, prié d'attendre à
la porte de la chambre, fut surpris puis inquiet d'entendre des murmures,
suivis du son parfaitement identifiable d'un coup de poing. Le jeune Bibi
al-Ghuri surgit, pâle, en larmes, et sans saluer Rob se précipita hors de la
maison. Al-Juzjani reparut peu après, suivi d'un mullah.
    « Ce
jeune charlatan a tué Ibn Sina : il lui a fait prendre des graines de
céleri pour libérer le ventre, mais au lieu de deux danaqs il lui en a
donné cinq dirhams , c'est-à-dire quinze fois la dose, et depuis cette
purge brutale, le maître ne cesse de

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