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Le médecin d'Ispahan

Le médecin d'Ispahan

Titel: Le médecin d'Ispahan Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Noah Gordon
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acclamait son armée en marche. C'étaient non plus des
centaines, mais des milliers de soldats qui déferlaient par les rues et les
places : infanterie lourde, porteurs de javelots, lanciers à cheval,
poneys et chameaux défilaient en rangs serrés sous le soleil, qui faisait
étinceler les armes d'un éclat éblouissant. Ordres, pleurs, cris de femmes,
plaisanteries obscènes, adieux et encouragements, un tohu-bohu montait de la
foule, dans l'odeur du crottin et des sueurs mêlées des bêtes et des hommes. En
tête marchaient trente-quatre éléphants. Ala avait engagé tous ceux qu'il
possédait.
    Ibn Sina ne
parut pas ; il n'avait pas non plus pris congé au maristan, préférant
éviter les paroles inutiles. Après les musiciens royaux, trompettes d'or et
clochettes d'argent, venait Zi avec son mahout vêtu de blanc. Le chah portait
la soie bleue et le turban rouge de sa tenue de guerre. Le peuple l'acclama
comme un nouveau Xerxès, Darius ou le grand Cyrus. Le conquérant de tous les
temps.
    « Nous
sommes quatre amis », se répétait Rob. Il aurait pu le tuer cent fois.
Pris de vertige, il partit sans attendre la fin de cette parade de milliers
d'hommes en marche vers la gloire ou vers la mort, et se retrouva au bord du
Fleuve de la Vie. Alors, il retira de son doigt l'anneau d'or massif d'Ala et
le jeta dans l'eau brune. Puis il rentra au maristan.
     
    Qasim était au
plus mal ; absent, le regard vide, il frissonnait malgré la chaleur et son
visage était brûlant. En fin d'après-midi, le moindre contact sur son ventre le
faisait hurler. Renonçant à retourner chez lui, Rob revint souvent à son
chevet. Le soir, pendant l'agonie, il y eut une accalmie, la respiration devint
régulière et paisible, le vieux s'endormit. Mais, quelques heures plus tard, la
fièvre ayant repris, il se débattait en plein délire, criant
« Nuwas ! Nuwas ! », parlant à son père, à son oncle Nili.
Et toujours revenait ce Nuwas inconnu.
    En lui prenant
les doigts, Rob sentit qu'il ne pouvait plus offrir que sa présence et le
faible réconfort d'un contact humain. La respiration pénible ralentit et enfin
s'arrêta. Il tenait encore les mains calleuses entre les siennes quand Qasim mourut.
    Un bras sous
les genoux, l'autre autour des épaules, il porta le corps dans la salle
mortuaire, puis entra dans la chambre voisine. Elle empestait, il faudrait
nettoyer à fond. Il y avait là tous les pauvres biens du vieux : vêtement
râpé, tapis de prière en loques, quelques copies de prières payées à un scribe,
du pain sec, des olives rances, un flacon de vin prohibé et un poignard bon
marché. Il était minuit passé. Personne ne le vit déménager la pièce ; en
y apportant une table, il croisa un infirmier qui pressa le pas sans proposer
son aide.
    Pour incliner
la table, il plaça une planche sous les pieds d'un côté et posa par terre un
bassin sous la partie la plus basse. Il lui fallait beaucoup de lumière ;
quatre lampes et douze chandelles, dérobées dans tout l'hôpital, furent
disposées comme devant un autel. Puis il alla chercher le corps et l'étendit
sur la table.
    Dès l'agonie
de Qasim, il savait qu'il violerait la Loi. L'heure était venue maintenant et
il en perdait le souffle. Pas de misérable Egyptien payé pour tenir le couteau.
Il assumait seul l'acte, et le péché si c'en était un. Avec un bistouri, il
ouvrit l'abdomen de l'aine jusqu'au sternum ; les chairs s'écartèrent et
le sang perla. Ne savant que faire ensuite, il s'affola : les seuls vrais
amis qu'il ait eus dans sa vie étaient morts tous deux de mort violente et,
s'il était pris, il finirait comme eux, mais écorché – le pire des supplices.
    Il parcourut
nerveusement l'hôpital sans être remarqué, se croyant au bord d'un abîme, et
rapporta dans son laboratoire improvisé une petite scie avec laquelle il coupa
le sternum, comme il l'avait vu dans la blessure de Mirdin. Au bas de la
première incision, il ouvrit horizontalement et obtint un large pan de chair
qu'il écarta pour découvrir la cavité abdominale.
    Le mince tissu
de la paroi était enflammé et couvert d'une substance coagulée. Les organes
semblaient sains, sauf l'intestin grêle, rouge et irrité en maint
endroit ; les plus petits vaisseaux étaient gonflés de sang, comme
injectés de cire rouge. Une petite partie du caecum, en forme de sac,
anormalement noire et collée à la paroi, se rompit quand il voulut l'en
détacher ; il en sorti deux ou

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