Le médecin d'Ispahan
te tuer. Comme les vêtements ça vaut cher, ils ne veulent pas les salir
avec le sang. »
Puis sortant
brusquement un couteau, le Français le lança d'une main sûre et rapide :
le jeune bandit le reçut en pleine poitrine. Le gros avait à peine eu le temps
d'accuser le coup que Rob sautait sur le large dos de Cheval, prenait son élan
et jetait le bandit à bas de sa selle. Ils roulèrent à terre, chacun cherchant
désespérément une prise, enfin, le barbier, qui cette fois se battait à jeun,
réussit à coincer le menton de l'adversaire et s'efforça de l'étrangler pendant
que l'autre le bourrait de coups de poing.
« Tue-le »,
se dit Rob en poussant de toutes ses forces pour lui renverser la tête en
arrière et briser la colonne vertébrale. Mais c'était un cou épais et musclé.
L'homme lui griffait le visage de ses ongles loirs, cherchait ses yeux...
Soudain, surgi
au-dessus d'eux, Charbonneau lui piqua son épée entre deux côtes et l'enfonça
jusqu'à la garde. Le chauve soupira avant de retomber sans vie. Rob se dégagea
pour se relever soigner son visage écorché. Le Français alla récupérer son
couteau dans le corps du jeune mort, toujours accroché par les pieds aux
étriers le la mule, et le coucha par terre. Le troisième s'était enfui, ayant
compris sans doute à qui il avait faire.
« Il a
peut-être demandé du renfort à Sigdorff ?
– Non, dit
Charbonneau. Ces fumiers sont des coupeurs de gorges, pas des hommes du
landgrave. »
Inspectant les
cadavres, il trouva au cou du gros un petit sac rempli de pièces. Le jeune
n'avait qu'un crucifix terni. Leurs armes étaient médiocres mais il les jeta
dans la charrette, attacha la mule derrière et prit avec lui le cheval maigre.
Enfin, ils
abandonnèrent les brigands dans la poussière, baignant dans leur propre sang,
et rebroussèrent chemin jusqu'à la route romaine.
24. LANGUES INCONNUES
Quand Rob lui demanda où il avait appris à lancer couteau, Charbonneau
répondit que c'était dans jeunesse, avec les pirates.
« Il
fallait être adroit pour attaquer ces sacrés danois et prendre leurs bateaux...
ou ceux de ces acres Anglais, ajouta-t-il avec un sourire.
– Tu
m'apprendras ?
– Oui, si tu
m'apprends à jongler. »
Le marché
était inégal : le Français était trop âgé pour assimiler une technique
aussi difficile, et il leur restait trop peu de temps. Il s'amusa seulement à
jouer avec deux balles. Rob, lui, avait l'avantage de la jeunesse, la souplesse
et la sûreté de main, le coup d'oeil et le sens de l'équilibre que lui avait
donnés la jonglerie. Il s'entraînait à viser ne marque sur les troncs d'arbre,
avec le couteau de son compagnon.
« Il te
faut un couteau spécial, dont le poids soit ans la lame. Tu y abîmerais
inutilement ta dague. »
Ils restèrent
sur les routes romaines, que sillonnait une foule polyglotte. Il fallut faire
place à un cardinal français, avec sa suite de deux cents cavaliers armés et
cent cinquante domestiques ; il portait souliers et chapeau d'écarlate,
cape grise sur une chasuble jadis blanche, devenue couleur de poussière. Des
pèlerins seuls ou en groupes se rendaient à Jérusalem, harangués par des
religieux qui arboraient les palmes en croix, l'emblème rapporté de Terre
sainte. Des chevaliers, plus ou moins ivres, galopaient en vociférant. Quelques
fanatiques vêtus d'un cilice, les mains et les genoux en sang, rampaient vers
la Palestine pour accomplir un vœu ; épuisés, sans défense, c'était une
proie facile pour les bandits de grands chemins qui infestaient les routes,
encouragés par la négligence de l'administration. Pris sur le fait, voleurs et
brigands étaient exécutés sans jugement par les voyageurs.
A Augsbourg,
centre actif de transactions entre l'Allemagne et l'Italie, fondé par
l'empereur Auguste, ils achetèrent des provisions. Les marchands italiens se
faisaient remarquer par leurs chaussures de luxe à la pointe élevée. Rob reconnaissait
les Juifs, de plus en plus nombreux, à leurs caftans noirs et à leurs chapeaux
de cuir en forme de cloche, à bord étroit.
Après le
spectacle, ils vendirent moins de Spécifique que d'habitude ; il est vrai
que Charbonneau mettait aussi moins d'entrain à traduire dans la langue
gutturale du pays. Il annonça plus tard, à Salzbourg, que c'était sa dernière
étape.
« Nous
serons au Danube dans trois jours et là, je te quitterai pour retourner en
France. Je ne pourrais plus
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