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Le médecin d'Ispahan

Le médecin d'Ispahan

Titel: Le médecin d'Ispahan Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Noah Gordon
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qui
s'affairait à changer une roue.
    Rob l'aida à
hisser la roue jusqu'au moyeu, mais n'en obtint qu'un sourire et un geste
évasif. Un autre voyageur, qui nourrissait une paire de bœufs aux longues
cornes, lui répondit :
    – Der
Meister  ? Kerl Fritta », dit-il en indiquant une direction.
    Dès lors, tout
fut simple : il suffisait de prononcer ce nom pour obtenir de chacun un
signe de tête et un geste du doigt. Près d'une grande voiture attelée de six
alezans gigantesques, un personnage aux longs cheveux bruns, nattés en deux
grosses tresses, était assis derrière une table où reposait une épée nue. Il
s'entretenait avec le premier d'une file de voyageurs désireux de lui parler.
Rob prit son tour.
    « C'est
Kerl Fritta ? demanda-t-il.
    – C'est bien
lui, répondit quelqu'un.
    – Vous êtes
anglais ?
    – Ecossais,
fit l'autre un peu déçu en serrant les mains du barbier. Salut ! Soyez le
bienvenu ! »
    Il était grand
et maigre, rasé à la mode des Bretons, avec de longs cheveux gris.
    « James
Geikie Cullen, dit-il. Eleveur de moutons et producteur de laine. Je vais avec
ma fille en Anatolie chercher les meilleures espèces de béliers et de brebis.
    – Robert J.
Cole, barbier-chirurgien. Je me rends en Perse pour y acheter de précieuses
médecines. »
    Cullen avait
un compagnon nommé Seredy , en pantalon sale et tunique déchirée, qu'il
avait engagé comme domestique et interprète. Rob apprit avec surprise qu'on
n'était plus en Bohême : depuis deux jours, il était passé en Hongrie sans
s'en apercevoir. Le village s'appelait Vac ; à part le pain et le fromage
qu'on pouvait se procurer chez l'habitant, tout était cher. La caravane venait
d'Ulm, dans le duché de Souabe.
    « Fritta
est allemand, dit encore Cullen. Il ne semble pas d'un abord facile mais mieux
vaut s'entendre avec lui car les bandits magyars, dit-on, rançonnent les
voyageurs isolés, et il n'y a pas dans la région de caravane de cette
importance. »
    Entre-temps,
trois Juifs avaient rejoint la file d'attente.
    « Dans
ces caravanes, s'écria Cullen, on est obligé de côtoyer les gens de bien et la
vermine ! »
    Les hommes en
caftans noirs et chapeaux de cuir s'entretenaient dans leur langue, mais Rob,
en les observant, eut l'impression que l'un d'eux avait compris ce que disait
l'Ecossais. Arrivé devant Fritta, Cullen s'occupa de ses affaires, puis proposa
au barbier l'aide de son traducteur. Le maître de la caravane, homme efficace
et d'expérience, enregistra le nom, le métier et la destination.
    « Il vous
prévient, traduisit Seredy, que la caravane ne va pas en Perse. Au-delà de
Constantinople, il faudra trouver un autre arrangement. »
    Rob acquiesça
et l'Allemand parla plus longuement.
    « Maître
Fritta demande l'équivalent de vingt-deux pennies d'argent, mais comme maître
Cullen paie déjà en monnaie anglaise, il préférerait que vous le régliez en
deniers. Vingt-sept deniers. »
    Le jeune barbier
hésita : il en avait gagné en France et en Allemagne, mais ignorait le
taux de change.
    « Vingt-trois,
chuchota une voix derrière lui.
    –
Vingt-trois », dit-il avec assurance.
    Le maître de
caravane accepta d'un air glacial, en le regardant dans les yeux.
    « Vous
vous chargez de votre entretien, dit le traducteur. Si vous ne pouvez suivre,
on vous laisse en chemin. Il dit que la caravane partira en quatre-vingt-dix
groupes, au total plus de cent vingt hommes : une sentinelle pour dix. Et
vous serez de garde une nuit tous les douze jours.
    –D'accord.
    – Si vous
exercez votre métier de barbier-chirurgien dans la caravane, vous partagez tous
vos gains par moitié avec maître Fritta.
    – Non »,
dit Rob, car c'était injuste, mais il entendit Cullen toussoter pour le rappeler
à la prudence.
    « Offre
dix et accepte trente, chuchota de nouveau la voix.
    – J'accepte de
laisser dix pour cent de mes gains. »
    Fritta lâcha
un juron énergique, sans doute un équivalent teuton de « fils de
pute. » Il propose quarante pour cent.
    – Dis-lui
vingt. »
    On se mit
d'accord sur trente. En remerciant Cullen pour son interprète, Rob observait
les Juifs au teint basané : celui qui venait après lui avait le nez
charnu, de grosses lèvres, une barbe brune mêlée de gris. Il avança vers la
table, l'air concentré comme un joueur qui a jaugé l'adversaire.
    Les nouveaux
arrivants se virent attribuer leur position dans l'ordre de marche et campèrent
sur place cette

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