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Le Monstespan

Le Monstespan

Titel: Le Monstespan Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Jean Teulé
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un trait de fusain sous le nez et qui paraît être le chef
de ces tueurs, déclare d’une voix effroyable : « Par la mort !
Cocu, je te tue et ta femme est une pute ! »
    Louis-Henri
fait celui que la peur des armes rend insensible aux injures. Tandis qu’ils
avancent, il recule et dit au chef :
    — Un contre
quatre, monsieur le brave, nous nous verrons autre part où les épées ne seront
pas toutes du même côté.
    Puis, pivotant
vers le gros chêne, il fuit en courant, commence à sentir dans les jambes les
méfaits de l’âge. Les jeunes assassins patentés du roi, plus vifs, s’élancent
après lui, l’épée au bout d’un bras tendu en avant. Arrivé au gros chêne,
Cartet soulève le filet dans les mailles duquel ils se prennent alors que le
chef s’emparait d’un pistolet qui tombe et roule à terre. Le concierge sort d’une
botte son long poignard qu’il plonge dans l’un des quatre. Puis il se bat à
mains nues avec un autre très vigoureux. Ils se font force caresses,
s’empêtrent dans le filet. Montespan, revenu, ramasse et plaque la gueule du
pistolet contre les dents du chef :
    — Je
n’aime pas qu’on dise devant moi du mal de ma femme. Vous serez excommunié
comme un loup-garou.
    Il lâche le
feu du pistolet dans la moustache en trait de fusain qui s’efface :
    — Voilà
comme il faut traiter ceux qui donnent un faux avis.
    À côté, l’ancien
maréchal des logis, éclaboussé de cervelle, s’étonne : « Ne
m’aviez-vous pas dit, marquis, qu’avant de rencontrer votre femme vous étiez de
nature fort peu querelleuse ? » puis, à l’intérieur d’un bras, il
casse le cou de son dragon alors que le dernier s’échappe. Le pistolet étant
vidé, Montespan lance la lame de son couteau de chasse qui va se planter
entièrement dans une épaule du fuyard. Hésitant à poursuivre cette jeunesse
encore véloce, le Gascon est rassuré par Cartet :
    — Restez
là, capitaine, il a son compte, et en prenant cette direction il n’est pas prêt
de trouver du secours dans l’immense forêt inextricable qui va jusqu’au col de
Bielsa. Il sera mangé par les loups. Bien malin celui qui retrouvera son corps.
Que fait-on de ceux-là que la mort a semés ?
    Le marquis,
près du grand rocher, soulève la grille du souterrain de fuite de son
château :
    — Glissons-les
ici. De toute manière, ce goulot ne sert plus à rien depuis que l’intendant en
a fait ébouler l’entrée dans la cour.
    Après avoir
ramassé le filet qu’il porte sur son dos, Cartet, redescendant le chemin vers
les cheminées fumantes du castel, se plaint de douleurs articulaires :
    — Hou, ce
n’est plus de mon âge de m’amuser avec les garnements ou alors c’est signe de
grand gel...
    Montespan, à
sa droite, soupire :
    — Mon
fils a honte de son père... Quand je lui dis que je l’aime malgré tout, il
laisse échapper des gloussements de rire malveillants. Je ne sais pas de qui il
peut tenir ça...
    Le concierge,
bottes en peau d’ours dérapant dans les caillasses, ne dit rien.

 
48.
     
     
    Dans le
château ruiné, aux toits crevés, de Bonnefont, le froid règne presque plus qu’à
l’intérieur des chaumières des manants. La grande demeure reste inchauffable
avec ses pièces délabrées, ses passages, ses cabinets, ses multiples courants
d’air. L’eau gèlerait dans les carafes et le vin dans les bouteilles si on ne
les avait pas déposées sur le rebord de la cheminée où le feu souffle un bruit
continu de rouet tissant le chanvre.
    Au bout de la
longue table de cette cuisine, Dorothée, large pinceau à la main, couvre tous
les habits, les souliers, de cirure  – mélange de cire et de suif pour
imperméabiliser. Elle lève les yeux vers la fenêtre givrée, voit s’approcher la
lueur d’un flambeau :
    — Tiens,
voilà quelqu’un !
    Le marquis,
dans son fauteuil à l’autre extrémité de la table et dos à la fenêtre, se
retourne. À sa droite, Cartet, assis sur un banc, était en train de lui
proposer de faire couper les arbres du bois qui sont gâtés, et que sans cela
ils ne vaudront plus rien, qu’il faudrait inspecter les palombières. Mme
Larivière finit la vaisselle du souper et range. La porte s’ouvre.
    Le fin voile
de brume, soudain éclairé, tourne au-dessus des pavés de la cour et s’élève
dans la nuit noire. Un homme entre :
    — Brrr !
J’ai voulu tirer la chaîne de votre cloche près du portail mais elle est

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