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Le Monstespan

Le Monstespan

Titel: Le Monstespan Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Jean Teulé
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préparés par la cuisinière que le marquis
appelle :
    — Madame
Lar... Cartet ! Venez voir !
    La mère de
Dorothée arrive, tête couverte d’un voile de mariée alors qu’on entend encore
sonner les cloches de l’église.
    — J’aurais
voulu vous offrir un plus fastueux banquet de noces, s’excuse Montespan, mais
puisque tout est devenu si cher et que les forêts sont vides de gibier…
hélas ! Ce marchand ambulant, je l’ai entendu, vend des fleurs
artificielles. Choisissez-en une pour l’accrocher à votre tempe puisque nous
vivons une fin d’avril où il n’en pousse ni dans les jardins ni au bord des
chemins.
    La cuisinière
saisit une marguerite composée de pétales en satin blanc et d’un pistil de
velours jaune qu’elle fixe à son voile : « Merci Monsieur... »
Émue, elle cherche à parler d’autre chose : « Vous n’auriez pas vu ma
fille ? Je vais demander à Cartet », dit-elle en s’éloignant vers
son... mari habillé propre et chaussé d’espadrilles.
    Le concierge,
après avoir fait « non » de la tête, circule parmi les invités,
trinque et présente un plateau chargé. Les boyaux grillés des poulets, des
dindons, des lapins, sont d’agréables morceaux pour ces paysans qui ne
consomment plus guère que du pain à la farine de panic  – il rend les personnes
toutes jaunes et si faibles que la plupart ont du mal à travailler ou même à
tenir sur leurs jambes.
    — Combien
vous dois-je pour la fleur ? demande Louis-Henri au colporteur.
    — Rien !
s’exclame celui-ci. Grâce à vous, je fais des affaires. En ces temps de
disette, ce ne sont pas mes livres de cuisine qu’on s’arrache... ni mes images
pieuses. Ce que tout le monde veut lire, ce sont vos dernières
volontés !
    — Ah
bon ?
    Le Gascon
longe les douves vers la porte entrouverte de la grange à gauche de la cour. Le
marchand dessangle la malle qu’il portait sur son dos et la dépose en
s’étonnant à son tour :
    — Vous ne
le saviez pas, marquis ?... Votre testament a déclenché à Paris un énorme
éclat de rire. Les chansonniers du Pont-Neuf le vendent à profusion et moi également
dans toutes les villes de province que je traverse. On recopie le texte, se le
passe, en fait lecture dans les salons, rit des dispositions, applaudit à la
méchante farce ! Ce soufflet monumental au roi s’arrache également à
Versailles. Il circule sous le manteau, à la grande fureur d’Athénaïs et au
grand déplaisir de Sa Majesté qui veut maintenant vous faire enfermer comme fou
aux Petites-Maisons...
    Louis-Henri
entend la cuisinière sur le pont-levis appeler « Dorothée !
Dorothée ! » puis se tourne vers le colporteur :
    — Et
donc, ces mesures testamentaires... n’ont pas amusé mon épouse ?
    — Oh,
votre épouse, je ne sais pas ce qui l’amuse en ce moment. On parle d’un
commencement de lassitude de Louis XIV devant les hauteurs capricieuses de sa maîtresse. On dit
qu’il se fatigue également des relations physiques harassantes auxquelles il
s’adonnait jadis avec ivresse dans ses bras. Cette année, la favorite fut même
oubliée des invitations aux fêtes de printemps de la cour. Le roi se détache
publiquement d’elle. Mme de Montespan tombe à un point qu’il n’est pas
croyable ; Sa Majesté ne la regarde presque plus et vous jugez bien que
les courtisans suivent cet exemple.
    « Les
gens sont méchants... », regrette Montespan tandis que le colporteur se
sert en crêtes de poulet sur une table puis reprend, grignotant :
    — En
janvier, elle fut prise d’une grande colère : « Sic’est
ainsi, sile souverain n’a plus de considération pour la mère de ses
enfants, alors je quitterai ma chambre ! » Le roi a accepté et
annoncé qu’il cédait l’appartement versaillais de la marquise à son fils, le
duc du Maine, et celui du duc à la jeune Mlle de Blois. Athénaïs fut prise à
son propre piège.
    — La
pauvre..., soupire le cocu, buvant un verre d’eau. Mais alors où
dort-elle ?
    — Votre
épouse doit se contenter, au rez-de-chaussée, de l’appartement des bains, bien
moins favorisé. C’est le premier grand pas de sa disgrâce et de son
éloignement, la chute de « Quanto ».
    Boum !...
Derrière lui, le marquis entend quelque chose tomber comme un gros sac de
sable. Il se retourne et pousse la porte entrouverte de la grange. Dorothée gîtà plat ventre sur le sol au pied d’une échelle. Elle se relève en

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