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Le Monstespan

Le Monstespan

Titel: Le Monstespan Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Jean Teulé
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coquille devant le couteau
de chasse planté dans l’omoplate, et il demande à la cuisinière la bouteille de
ratafia avec des verres. Lauzun insiste en soufflant la vapeur au bord de son
bol :
    — Et
donc, vous n’avez pas croisé mes dragons ?
    — Oh non,
répond Cartet. Quatre, vous pensez bien, on les aurait repérés.
    — Si c’était
le cas, vous me le diriez...
    — Mais
bien sûr. De toute manière, nous, la dernière fois qu’on est allés au bois
c’était... Ah ben, tiens, la veille du premier grand gel : la veille de la
Saint-Thomas.
    — Je
pense que c’est ce jour-là qu’ils devaient s’y trouver également.
    — Ils se
seront perdus et les loups les auront mangés, conclut le concierge en servant
l’alcool.
    Mme Larivière
remue les pincettes du feu qui flambe haut et vif dans ce château des Pyrénées.
La gnôle lie les propos et délie les langues. Dorothée admire l’éclat noble des
bagues du visiteur et, entre les pieds de la table, ses magnifiques chaussures
incrustées de perles et de diamants. La cuisinière inquiète trouve que ça boit
trop autour de cette table.
    Dans la faille
du soir, la bouteille se vide. Enfin, à force d’avaler, le colonel et le
marquis s’emplissent. Lauzun n’en est que plus sérieux et Montespan en est si
hébété et si pesant qu’il se penche sur la table ;
    — Ainsi
donc, maintenant, l’amant de ma femme veut m’expédier ad patres ! Vite, madame Larivière, faites dégeler l’encrier que j’écrive mon testament. Je
voudrais être en règle pour si un « accident » m’arrivait, pour si je
butais contre un sceptre par exemple...
    — Et dans
ce testament, vous évoquerez Sa Majesté ?... demande le colonel des
dragons.
    — Bien
évidemment. In vino veritas !
    — Si vous
l’écrivez là, marquis, permettez-moi ensuite de suivre la soubrette pour
qu’elle m’indique une chambre où dormir, et dès demain je rentrerai vers Paris
le faire publier par les chansonniers du Pont-Neuf.
    — Toper
vaut contrat ! s’exclame le Gascon. Madame Larivière, cette encre !
    — De
toutes vos folies, celle-ci est la plus grande que vous pourriez commettre,
Monsieur, commente la cuisinière.
    — Allez,
madame « Cartet » !
    — Oh !
Alors ça ! Me marier avec un concierge qui se met aussi à boire, alors
là ! Je préférerais être enfouie sous cent mille pieds de merde !
    L’ancien
maréchal des logis, un petit coup dans le nez et les yeux plissés pétillants,
est hilare : « Elle est gentille... » La plume du cocu va sur le
papier :
     
    Testament,
     
    N’ayant pas
à me louer d’une épouse qui, se divertissant autant que possible, m’a fait
passer ma jeunesse et ma vie dans le célibat, je me borne à lui léguer mon
grand portrait peint par Sabatel, la priant de le placer dans sa chambre quand
le roi n’y entrera plus. Quoique le marquis d’Antin ressemble prodigieusement à
sa mère, je ne balance point à le croire mon fils. En cette qualité, je lui
lègue et laisse mes biens à titre d’aîné. Je laisse à leurs Altesses M. le duc
du Maine, Mgr le comte de Toulouse, Mlle de Nantes, Mlle de Blois (nés pendant
mon mariage avec leur mère et conséquemment mes filles et fils présumés) leur
légitime comme de droit à la charge de porter le nom de Pardaillan. Je lègue et
donne au roi mon château de Bonnefont, le suppliant d’y instituer une
communauté de dames repenties, à la charge de mettre mon épouse à la tête de ce
dit couvent et de l’y nommer première abbesse.
    Louis-Henri de Pardaillan,
    Marquis de Montespan, époux séparé quoique
inséparable.

 
49.
     
     
    — Plumes,
rubans, pendentifs !... Galons, lacets, fleurs artificielles !
Mouchoirs, boutons, pacotille...
    Un colporteur
chevelu qui va criant s’approche du château du cocu, entre dans sa cour où tout
le minuscule village est réuni en ce printemps :
    — Almanachs,
contes et légendes, faits divers tous plus incroyables les uns que les
autres ! Livres de cuisine : Le Pâtissier royal, L’Ecole des
ragoûts ! Images pieuses, testament de Montespan...
    Louis-Henri se
retourne :
    — Vous
vendez mon testament ?
    — Êtes-vous
le marquis de Montespan ? Ah, mais oui, je suis à Bonnefont...
    La cour du
castel est envahie de fumées fortes. Sur des grilles, par-dessus les braises,
des bas morceaux fricassent  – oreilles, cervelles, yeux... Des pieds bouillis,
en carbonade, hachis, ont été

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