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Le Monstespan

Le Monstespan

Titel: Le Monstespan Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Jean Teulé
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dessous, reçoit sur
ses épaules le marquisqui descend rapidement.
    Sur le gravier, les six coiffés à la hurluberlu filent en
étoile comme sous le souffle silencieux d’une bombe. Ils agitent, vers le Gascon,
une main aux doigts écartés pour lui dire adieu. Louis-Henri aperçoit un
chariot bâché plein d’orangers dans de grandes caisses que, l’automne venant,
on va transporter de nuit à l’abri des serres royales, au-delà du mur
d’enceinte.
    On ne sait pas si le roi, entrant dans la chambre de la
reine, a voulu se bénir et fut surpris par ce qu’il déposait sur son front, ses
lèvres, ou si c’est parce qu’il a vu, sur le bureau de Marie-Thérèse, la pipe
d’homme fumant encore près d’une perruque abandonnée, le verre, la carafe
vidée, la boîte de chocolats renversée, les traces de talons crottés sur le
bois précieux, ou bien le cul dénudé de son épouse, tourné vers le plafond
astral, mais sa voix jupitérienne a appelé, claquant dans la nuit de Versailles
comme un tonnerre :
    — Lauzun !

 
47.
     
     
    — Je
crois que je n’aime pas mon fils. C’est une carogne. Son ambition féroce
devrait le conduire à la plus parfaite et la plus raffinée courtisanerie, en un
siècle où pourtant l’art de la bassesse chez beaucoup d’autres semble
impossible à dépasser. En revenant de Paris, je l’ai visité dans son pensionnat
de jésuites à Moulins. Louis-Antoine ne m’a pas plu du tout.
    — C’est
parce que nous allons à la chasse, capitaine, que vous repensez à lui ? Ça
vous rappelle lorsqu’on avait essayé de l’exercer à...
    — Il m’a
dit qu’il ne fallait plus que je vienne, que ça nuirait à ses entrées à la
cour.
    — Et...
la « favorite », il la revoit ?
    — Elle
lui assure une pension de six mille écus et le fait souvent venir à Versailles.
Là-bas, heureux aux jeux de hasard, il est soupçonné d’aider la fortune.
Françoise lui a promis, cette année, un brevet de lieutenant à la compagnie
colonelle du régiment du roi pour ses dix-huit ans.
    — Dix-huit
ans déjà ? Comme le temps passe..., n’en revient pas Cartet en arrivant
près du grand rocher à l’intersection des deux allées qui se croisent dans le
bois du marquis.
    Au creux de la
vallée, des vieilles courbées rongent des trognons de chou en bordure des
champs, ramassent des coquilles de noix pour en faire du pain. Le regain
apporte aux bêtes un supplément de fourrage pour un hiver que les vieux
prédisent tel que de mémoire d’homme on ne se souviendra d’aucun qui en eût
approché.
    — Versailles
ignore la misère du pays..., déplore Montespan, se retournant vers son ancien
maréchal des logis qui fait tomber dans les feuilles une toile de chasse
 – filet à tendre entre deux arbres où se prendront les gibiers.
    Le Gascon, à
une extrémité des mailles, saisit une corde qu’il noue au tronc d’un arbre.
    — Laissez,
lui dit Cartet, je vais le faire.
    Le marquis
continue son nœud marin :
    — Louis-Antoine
m’a avoué : « Je me laisse aller à l’amour des grandeurs. Le penser
m’en paraît doux. » D’Antin a ses chimères. Peu d’hommes se déshonoreront
aussi complètement que mon garçon, regrette le père en testant de la main la
résistance du filet tendu qu’il rabaisse au sol. Je ne sais pas d’où ça lui
vient. Je...
    Cartet plaque
une paume contre les lèvres du cocu :
    — Chut !
    « Quoi ?
Que se passe-t-il ?... » murmure Louis-Henri entre lesgros
doigts du concierge qui retire sa main :
    — J’entends
des bruits qui s’approchent.
    — D’animaux ?
    — Non.
    — Desbraconniers ?
    — Non
plus. Ils se seraient mieux placés rapport au vent, et là je les sens, renifle
Cartet dont lesmoustaches, telles des antennes d’insecte, semblent se
dresser aussi à l’affût. Chasseurs d’homme, ils sont quatre et pas des
brigands. Je perçois leur odeur infecte de tannerie et buanderie militaire. En
réponse à votre escapade versaillaise. C’est une escouade de dragons qui vient
pour vous, capitaine... Moi, je dirais l’ombre du roi qui s’approche. Par la
gauche, ils vont entrer dans la clairière.
    — Cachez-vous
derrière le gros chêne, Cartet. Je vais les attendre à la croisée des chemins.
    La vigilance
qu’il faut au marquis pour rester en vie. Les dragons embusqués sortent enfin
de derrière un taillis. L’éclair de leurs épées dégainées !
    L’un d’eux, à
fine moustache comme

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