Le nazisme en questions
constitua, en 1921, les Sections d’assaut destinées à neutraliser l’adversaire dans les réunions publiques de Munich, il en confia le commandement au capitaine Ernst Röhm, mélange étonnant de lansquenet et d’idéaliste, qui lui apporta l’appui des corps francs et lui ouvrit l’accès à la vie politique. Mais la volonté de Röhm de faire des SA une armée clandestine, rivale et complémentaire de la Reichswehr, amena Hitler d’abord à le remplacer pendant un temps par Göring, puis à se détacher de lui (1925). Le successeur de Röhm, Franz Pfeffer von Salomon, fit valoir que l’obéissance aux directives du Parti était de règle pour les SA, mais il ne put empêcher le développement d’une opposition qui revêtit un caractère socialiste.
Cependant, le mécontentement des milices était moins dû à l’idéologie, d’ailleurs fort imprécise, qu’à la constatation qu’il existait dans l’organisation du parti des privilèges en faveur des « bonzes », tandis que de maigres récompenses étaient données à ceux qui payaient de leur personne dans les combats de rue. Ce mécontentement se cristallisa autour du chef des SA à Berlin, Stennes, qui se souleva à deux reprises, en 1930 et en 1931, accusant Hitler d’avoir abandonné le cours révolutionnaire du national-socialisme, pour devenir l’un des éléments d’une coalition réactionnaire et faire le jeu du capitalisme. Mécontent de l’administration de Pfeffer, qu’il soupçonnait de faire des SA une organisation rivale du Parti et de préparer un putsch pour s’emparer du pouvoir, Hitler prit lui-même la direction suprême des SA et s’adjoignit comme chef d’état-major Röhm, revenu de Bolivie, où il avait fonction d’instructeur militaire (janvier 1931).
Röhm reprit la direction d’un mouvement en pleine ascension, puisqu’il comptait 170 000 hommes en décembre 1931, 470 000 dans l’été 1932, 700 000 au moment où Hitler prit le pouvoir, en 1933. Il sut en faire une formidable organisation paramilitaire, dont les Standarte correspondaient à d’anciens régiments impériaux, qui accomplissaient des exercices de campagne et avaient des écoles, et où des dizaines, puis des centaines de milliers de jeunes gens, condamnés au chômage et au désespoir, trouvèrent un emploi et une raison de vivre. La force de ce mouvement apparut telle au général Schleicher, ministre de la Guerre puis chancelier en 1932, qu’il envisagea de faire des SA, éduqués par des officiers de l’armée régulière, une réserve de la Reichswehr. Pour le moment, Hitler, qui avait besoin des SA comme troupe de choc dans les meetings électoraux, laissait faire Röhm, bien que les mœurs homosexuelles de son entourage aient offusqué certains éléments bourgeois au sein du Parti. « Les SA, disait Hitler, étaient un rassemblement d’hommes destinés à servir un objectif politique, non une institution morale pour jeunes filles du monde. La vie privée ne peut entrer en ligne de compte que si elle contredit les principes essentiels de l’idéologie national-socialiste. »
L’intérêt du livre de P. Merkl est de nous renseigner sur les facteurs sociologiques qui ont déterminé la conduite des SA 1 .
Quelle est leur provenance politique ? Une enquête menée par un sociologue américain, Theodore Abel, sur le cas de 581 nazis, dont 337 avaient été membres desSections d’assaut ou de la SS, montre que la moitié d’entre eux avaient appartenu à des corps francs ou à des organisations nationalistes au lendemain de la Première Guerre mondiale et s’étaient formés dans une atmosphère de violence et de combat. Un grand nombre d’entre eux venaient également des organisations conservatrices, comme le Stahlhelm, dont ils avaient été écartés par la morgue des chefs et l’absence de camaraderie. Enfin, un dizième d’entre eux avaient combattu dans la Reischsbanner socialiste, et surtout dans le parti communiste : l’échange de la chemise rouge contre la chemise brune était fréquent et ne paraissait pas plus étonnant que dans une grande ville le passage d’un gang à l’autre. « J’affirme que parmi les communistes, surtout parmi les membres des Anciens combattants rouges, il y a beaucoup d’excellents soldats », déclarera plus tard Röhm. D’ailleurs, selon certains, quelques sections d’assaut méritaient le nom de Beefsteak-Stürme , « bruns dehors, rouges à l’intérieur ».
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