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Le neuvième cercle

Le neuvième cercle

Titel: Le neuvième cercle Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Christian Bernadac
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nous y trompons pas, Melk est un véritable camp (bien que dépendant de Mauthausen) qui essaime déjà, quelques jours seulement après sa fondation, d’autres kommandos. Différent, parce qu’il est le seul exemple d’une métropole concentrationnaire dont la hiérarchie prisonnière – postes-clés administratifs ou de « sous-surveillance », et pourquoi pas également : « planqués » – est presque exclusivement française. Cette « réalisation » est peut-être la plus belle victoire remportée par les comités nationaux et internationaux clandestins de Mauthausen qui ont décidé, puisque les premiers groupes d’affectés au nouveau kommando étaient français, qu’il était normal qu’ils soient dirigés – et donc protégés – par d’autres Français. Et les « secrétaires » de Mauthausen n’ont pas oublié les consignes en rédigeant les listes de déportés.
    — Le ci bruit circule avec insistance d’un départ en kommando. Manifestement, à part les descentes à la carrière et les immanquables corvées de blocks, nous sommes des inutiles, et quelle que soit l’infâme nourriture qu’on nous donne chaque jour, nous ne la méritons pas. Les chefs de blocks et autres « fonctionnaires » laissent entendre que nous allons construire une usine souterraine, et que pour cela nous allons nous installer dans une ville appelée Melk, et c’est tout ce que nous apprenons. Mais nos anges gardiens nous disent encore avec un sourire qui en dit long – sourire sinistre et satisfait : « Dans six mois, la moitié d’entre vous sera morte. » N’empêche que nous attendons avec impatience un départ. Il n’est pas possible que nous puissions être plus malheureux ailleurs. Le travail est une forme de la dignité, même peut-être, les travaux forcés et cette oisiveté nous pèse, nous opprime avec ses multiples occupations sans nécessité qui deviennent chaque jour de plus en plus insupportables. Les coups deviennent aussi de plus en plus nombreux, les raisons de frapper de plus en plus fréquentes : expulsions massives et sans raison des blocks, et des chambrées, création d’une peur panique qui engendre d’indescriptibles désordres, dans lesquels nos gardes-chiourmes voient de supplémentaires occasions de schlague, et ils n’en font pas faute.
    — Les crânes sont bosselés, les yeux et les lèvres tuméfiés et puis la fatigue des couches en « sardines » devient de plus en plus lourde. Nous ne parvenons pas pendant nos promenades dans la cour inégale des blocks, à faire disparaître l’ankylose de nos muscles et le blocage de nos articulations.
    — Nous avons touché depuis quelques jours quelques hardes supplémentaires : vieux costumes civils, rebuts d’uniformes d’origine indéfinissable, de ce fait nous avons ainsi un peu plus chaud. Un beau jour, vers le 18 avril, une corvée extérieure apporte à proximité des barbelés qui nous isolent du camp libre, des charges de vêtements neufs, pas des vêtements comme les autres, mais ces fameux costumes rayés gris clair et bleu, verticalement, et qui font penser à des pyjamas. Costumes en toile légère de fibre de bois, ressemblant à de la toile de matelas, pantalons à poches, vestes, béret rappelant par sa forme celui de nos marins, mais en tissu rayé. Tout est entré dans la cour du block et nous en défaisons les paquets. Il y a aussi des galoches neuves, semelles de bois, empeigne de toile et cuir, montantes pour certains, simples claquettes pour la plupart, où le pied tient mal, chaussettes de laine, pull-over, chemises et caleçons sont aussi à l’état neuf.
    — Il y a deux ou trois jours, nous avons été immatriculés et nous avons touché notre plaque, morceaux de fer bruni découpés dans des boîtes de conserves, sur lesquels le numéro est gravé au burin. Nous sommes la série des 61 900 à 63 900 environ. Nous nous appellerons, pour faire la moyenne, « les 62 000 », 62 451 pour moi. Je me trouve au block 16 avec des camarades dont j’ai été isolé. Survient un incompréhensible classement en « spécialistes » et « non-spécialistes » établi selon la fantaisie la plus ahurissante.
    — L’on voit des intellectuels aux mains blanches rejoindre d’authentiques métallos, les officiers – même s’ils ne sortent pas de Polytechnique – sont classés comme ingénieurs, les spécialistes véritables rejoignent la foule des manœuvres. Je suis de ces

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