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Le neuvième cercle

Le neuvième cercle

Titel: Le neuvième cercle Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Christian Bernadac
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synonyme d’enfer.
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    — Nous viii étions plusieurs kommandos composés de vingt-cinq détenus et d’un kapo. En arrivant sur le chantier, et quel que soit le temps, qu’il pleuve ou qu’il neige, nous devions nous mettre le torse nu. Nos kapos disaient que l’on n’avait qu’à travailler davantage pour se réchauffer. Il nous fallait extraire, puis charger, les blocs de pierre qui devaient alimenter le concasseur. Sous une grêle de coups, nous nous mettions au travail, et quel travail de charger ces blocs de pierre ! Les plus gros étaient portés par quatre détenus, à l’aide d’une trague. Pour mon compte, il me fallait travailler individuellement ; étant un des plus faibles, je ne pouvais pas tenir correctement ma place à la trague. Le moindre fléchissement et c’était la chute du bloc et, bien sûr, cela augmentait la fureur du kapo. En travaillant tout seul, cela évitait des coups à mes camarades. Je chargeais le wagonnet avec les pierres jugées trop petites pour la trague et, là encore, la tête devait travailler autant que les bras. Lorsque le kapo vous regardait, il fallait prendre des pierres assez grosses. Mais il fallait aussi compter avec les moments de folie des kapos. Une pierre échappée, un wagonnet qui déraille… Et chaque jour, trois ou quatre camarades étaient tués par un bloc de pierre ou par les coups.
    — Pour nous, Français, la présence d’« Al Maniv », le boxeur, nous épargnait, en partie, des coups, en partie seulement car, dans les moments de fureur, personne n’était épargné, et il fallait à tout prix éviter le coup qui vous immobilise car la vue du sang excitait à tel point le kapo qu’il s’acharnait jusqu’à ce que mort s’ensuive. De toute façon, il lui fallait, tous les jours, sa ration de cadavres qui variait selon les arrivages au camp. Nombreux transports, nombreux morts pour faire de la place. Ce besoin de tuer était indispensable aux kapos. C’était leur drogue. Ils en jouissaient. Il y avait toujours, après la séance de tuerie, un moment d’accalmie. Le kapo plaisantait, riait, il était détendu. Cela ne durait guère. Et toute la journée nous vivions dans la hantise de la prochaine crise qui ne tardait pas. Et des fois, elle revêtait un caractère vraiment exceptionnel, qu’il est difficile, avec le recul du temps, de raconter. Je me demande parfois si cela était possible. Si je ne fais pas un cauchemar. Hélas ! Je suis bien éveillé. Le paysage que j’ai devant les yeux est bien réel. C’est bien la Creuse qui coule au bas de la colline et l’oiseau qui chante au petit jour, saluant le lever du soleil.
    — Elles sont bien vraies les deux scènes que je vais raconter. Je les ai bien vécues, j’en ai souffert et combien de camarades y sont morts.
    — En plus de l’extraction de la pierre, du chargement des wagonnets, nous devions évacuer la terre et, pour ce faire, un wagon de modèle réduit, dit « wagon de marchandises », était utilisé. Et nous devions, après le chargement, aller le vider à une décharge au bout de la carrière. Un jour, le wagon mal retenu par nos mains ensanglantées tomba dans la décharge. Et comme toujours, au lieu d’examiner la meilleure façon de le sortir, le kapo fit appel à son acolyte, l’autre kapo. Et les détenus, des deux kommandos, durent descendre au bas de la butte, accompagnés comme il se doit par les coups qui redoublaient d’intensité. Et nous voilà dans cette ambiance démoniaque, mis en demeure de remonter le wagon. Imaginez ! une profondeur de plusieurs mètres, une quinzaine au moins, une déclivité à 50° et une quarantaine de détenus poussant de toutes leurs forces. Les deux kapos tapant et hurlant. Malheur à ceux qui étaient mal placés, c’est-à-dire derrière le wagon, aux grands dont l’échiné dépassait celle des autres, les coups pour eux étaient plus nombreux. Et, petit à petit, nous arrivions à gagner quelques centimètres. Et plusieurs fois, à bout de forces, nous laissions le wagon redescendre, écrasant des camarades. Si bien qu’au bout d’un moment difficile à évaluer – les minutes sont longues dans ces moments-là – un tiers de notre effectif était déjà hors de course. Leurs souffrances prenaient fin. Le kapo faisait appel, alors, à un autre kommando dont le kapo, moins excité que les deux autres, lui faisait comprendre l’impossibilité de sortir de cette façon le wagon de la

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