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Le pas d'armes de Bordeaux

Le pas d'armes de Bordeaux

Titel: Le pas d'armes de Bordeaux Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Pierre Naudin
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mourir. Dieu le sauvera. N’est-il pas le meilleur des mires ?
    Tristan acquiesça, bien qu’il eût parfois douté de la sublimité céleste en matière de médecine. Quand la maladie condamnait un homme, une femme ou un enfant à mort, seul un miracle eût pu les sauver. Or, il doutait autant de l’existence des miracles que de l’efficacité des prières.
    On repartit et plus encore qu’à son départ de Narbonne, Tristan savoura la joie douce, apaisante, de s’approcher de Villerouge.
    – Que ferez-vous aux beaux jours ? lui demanda l’archevêque.
    – Je ne sais, monseigneur.
    Mensonge ! L’idée le tenaillait, puissante mais imparfaite encore, d’entrer dans Castelreng avec ses tr ois compères et de procéder, au besoin par le sang, à expulsion des indésirables.
    –  Que diriez-vous, si je vous priais de… d’organiser des joutes à Villerouge ?
    – Moi ? À Villerouge ?… Quand, monseigneur ?
    – En juillet ou en août… Mais je préférerais le mois de hermi (433) … Oui… Le mois où, je crois, fut arsé Bélibaste… Je vérifierai… Nous célébrerions son trépas… Il fut cramé voici quarante-huit ans.
    C’était une idée ignoble. Tristan se refusa d’acquiescer.
    – Ce serait beaucoup d’honneur, monseigneur, mais…
    – Cette mort fut salutaire. Nous devons la commémorer pour dissuader la bonne gent de la Langue d’Oc de revenir à l’hérésie.
    Plutôt que de se sentir honoré, Tristan n’éprouvait plus qu’une espèce d’horreur. Il avait toujours pensé que le prélat lui avait accordé sa confiance et son estime. Il s’était demandé pourquoi. Il tenait enfin la réponse. Certes, il eût dû se réjouir d’être mieux considéré que certains hommes liges qui ne cessaient d’évoluer autour de ce grand personnage, et le fait que Monseigneur l’eût distingué pour ces joutes était lourd de promesses associées à celles-ci. Il impliquait une sujétion qu’il ne pouvait accepter.
    – Monseigneur, dit-il en croisant le regard de l’archevêque, votre proposition m’honore grandement. Cependant, je ne suis pas un homme capable d’apprêter de telles liesses… Vraiment. La seule chose que je sais d’icelles, pour y avoir couru des lances, c’est qu’il faut y dilapider sa vigueur afin d’ébahir son adversaire de prime face… Je sais également que dans les joutes – comme d’ailleurs dans les festins -, quand on veut être considéré, il convient de paraître le dernier.
    – Chevalier appelant, Castelreng !
    – Monseigneur, je suis et resterai chevalier défendant. C’est ainsi, par ma foi, que je me sens à l’aise.
    Le regard de Pierre de la Jugie s’abaissa ; sa lèvre inférieure s’avança et son nez se plissa comme si, soudainement à table, il eût flairé parmi les plats un met suspect. L’expression de ce pro fil d’où affleurait une sorte de mélancolie ou de colère mal contenue, inquiet Tristan. L’archevêque était un homme « à part ». En refusant son offre avec une immédiateté dépourvue du moindre atermoiement, sans doute avait-il commis une erreur. Il eût dû feindre de soupeser les inconvénients et les bienfaits d’une élévation dont il se demandait la raison. Aucun autre chevalier n’eût refusé à ce mitré peut-être rancuneux d’être un de ses hommes liges avec tout ce que cette fonction devait comporte d’avantages. Pendant un moment, il ne put songer que la déception de l’archevêque ; il ressentit quelque chose où il entrait de la satisfaction, de la gêne et de la crainte. Pierre de la Jugie devait détester que l’on contrariât ses desseins. Sous son air majestueux et impassible couvait sans doute une hargne de chien battu.
    Mieux valait, maintenant, songer à Maguelonne. Il l’épouserait et l’entourant de prévenances, ferait en sorte qu’elle vécût dans le bonheur auquel elle aspirait. Et pour qu’elle eût, à Castelreng, la place qui lui revenait, il était nécessaire qu’il en balayât la vermine.
    Les chevaux allaient lentement. Malaquin dodelinait de la tête : ce jour ensoleillé privé du moindre vent lui convenait. Paindorge se laissait parfois glisser à l’avant jusqu’à Pons de Missègre pour le rassurer de sa présence muette, souriante. Lebaudy et Lemosquet demeuraient à l’arrière, parmi les clercs aux mules et mulets dociles.
    –  Je dois vous le révéler, Castelreng, mon ami… Une demoiselle narbonnaise de très haute famille

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