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Le pas d'armes de Bordeaux

Le pas d'armes de Bordeaux

Titel: Le pas d'armes de Bordeaux Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Pierre Naudin
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patience envers les rebelles.
    Tristan et Paindorge acquiescèrent. Sans crainte d’être contredit, le bayle affirma qu’il savait se montrer tout à la fois enjoué, perspicace, aimable, autoritaire, mais jamais menaçant.
    – Bien, bien, soupira Pierre de la Jugie.
    Sur le visage de carême dont le nez rougissait un peu parut un semblant de sourire. Les yeux s’allumèrent comme au contact des monnaies dorées contenues dans les coffres que Lebaudy et Lemosquet avaient déposés devant des escafignons 287 pointus, brodés d’or, où les orteils semblaient à l’étroit. Les paupières bistrées cillèrent :
    – Vous êtes de parfaits et loyaux serviteurs.
    Les maigres mains aux ongles gris, lancéolés, se joignirent pour une sorte de prière.
    – Et vous, mossen Pons ?… Parlez-moi de Villerouge.
    Tristan appuya ses paumes sur ses reins. Après la génuflexion de l’arrivée, le baisement de l’anneau pastoral et le signe de croix devant le crucifix accroché à la hotte de la cheminée sous laquelle grondait et pétillait un feu digne d’un bûcher, il fallait rester debout alors que tout autour, des stalles vides tendaient aux visiteurs leurs bras ciselés en têtes et corps de lions.
    « Merdaille !… Quand va-t-il nous congédier ? »
    Il n’aimait point cette chambre barlongue où l’archevêque accordait ses audiences. Malgré la chaleur dégagée par l’âtre bourré de sarments et de bûches, une impression de froideur solennelle émanait des lambris de chêne ténébreux, des gros livres assemblés de chant sur quelques planches et des sièges étroits aux dossiers bourrelés de guerriers, de saints et d’animaux hideux. À l’odeur de suie dont la salle était emplie jusque dans ses recoins se mêlait une moiteur qui sans doute tombait du plafond voûté comme une carène et d’où, çà et là, pendaient quelques toiles d’araignes. Il n’aimait point non plus l’édifice où il venait d’entrer. La grosse tour d’angle aux allures de donjon qui, pour les Narbonnais, constituait la merveille de l’archevêché, versait sur les rues et ruelles à l’en tour une ombre massive que le soleil avait renoncé à dissoudre. Une autre s’édifiait. On entendait des cris, des martellements, des grincements de poulies : Pierre de la Jugie avait décidé d’agrandir sa demeure par l’érection d’une tour supplémentaire, à sa gloire : la tour des Synodes. Sous un abord modeste, voire humble quelquefois, perçait une hautaineté pharaonique.
    Jusque-là, l’archevêque s’était exprimé avec une onction de bon augure. Sa sainte bénignité s’altéra. Il touchota sa calotte de velours d’un violet agressif comme pour se rassurer sur son état et passa tout crûment de l’acte à la parole :
    – Messires, je connais votre prudence. Les chemins, les mettes 288 , les voies plus larges adonques plus passantes, offriront pendant de longues semaines encore, je le crains, des dangers dont je n’ose imaginer l’ampleur…
    –  Nous en sommes conscients, Votre Sainteté, bredouilla immodérément Pons de Missègre.
    Il n’avait cessé d’être inquiet depuis son départ de Villerouge. Bien qu’il se donnât dans sa bure un aspect jeune, impassible, et qu’il eût toujours le menton haut pour attester de sa vaillanlise, c’était un couard. Sa barbe brune, astucieusement maintenue en friche, n’avait d’autre nécessité que de dissimuler une pâleur que son nez aquilin et plat dénonçait sitôt qu’il flairait un danger réel ou imaginaire. Il advenait que sa voix même fut prise de tremblements. Elle n’était claire et ne recouvrait des modulations régulières que dans les murs de Villerouge et dans l’église lorsqu’il adjurait les ouailles agenouillées de faire pénitence et de croire à la bienveillance divine. Tristan, parfois gêné par un regard oblique, se demandait si ce clerc l’avait en estime autant qu’il le prétendait.
    – Ce que je crains, dit Pierre de la Jugie, c’est que les malheurs de l’Espagne ne débordent sur nous. Là-bas, la coupe est pleine. Tout y est à feu et à sang. Le Saint-Père ne semble point s’en soucier. Le Trastamare assiège toujours Tolède . Le roi Pèdre amasse des hommes à Cordoue. On dit que le roi Charles va envoyer à la rescousse du roi Henri moult guerriers ainsi que d’excellents capitaines… Ce que je sais encore, c’est que l’Andalousie est livrée aux excès des Mahomets et que

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