Le pays de la liberté
fort sa fourrure autour d'elle. Les nuages s'étaient en partie dissipés et il y avait un clair de lune : elle y voyait assez pour traverser l'allée et descendre la pelouse jusqu'à la rivière.
Elle n'éprouvait aucun remords d'avoir laissé tomber Robert. Il ne l'avait jamais aimée. Si c'avait été le cas, il n'aurait pas réagi ainsi. Il était seulement furieux que son frère l'e˚t emporté sur lui.
Malgré tout, cette rencontre avec Robert l'avait secouée. Il avait l'impitoyable détermination de son père. Bien s˚r, il ne pouvait pas lui prendre High Glen. Mais que pourrait-il faire à la place ?
Elle le chassa de ses pensées. Elle avait obtenu ce qu'elle voulait: Jay au lieu de Robert. Elle avait h‚te maintenant de se lancer dans les préparatifs du mariage et de s'installer. Elle br˚lait d'impatience de vivre avec lui, de dormir dans le même lit et de s'éveiller chaque matin avec la tête de Jay sur l'oreiller auprès d'elle.
Cette idée la fascinait et l'inquiétait aussi. Elle avait toujours connu Jay mais, depuis qu'il était devenu un homme, elle n'avait passé que quelques jours avec lui.
Mère était désemparée. Elle avait toujours rêvé de voir Lizzie épouser un homme riche, ce qui mettrait un terme à des années de pauvreté. Mais il fallait aujourd'hui accepter l'idée que Lizzie avait ses rêves à elle.
Lizzie ne se souciait pas de l'argent. Sir George finirait bien par donner quelque chose à Jay. Sinon, ils pourraient toujours habiter High Glen House. Certains propriétaires terriens écossais défrichaient leur forêt giboyeuse pour louer la terre à des éleveurs de moutons : Jay et Lizzie pourraient essayer cette solution, pour faire rentrer un peu d'argent.
De toute façon, ce serait amusant. Ce qu'elle aimait le plus chez Jay, c'était son sens de l'aventure. Il était
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tout disposé à galoper à travers bois, à lui faire visiter la mine de charbon et à s'en aller vivre aux colonies.
Elle se demanda si cela arriverait jamais. Jay espérait encore avoir la propriété de la Barbade. L'idée de partir pour l'étranger excitait Lizzie presque autant que la perspective de se marier. La vie là-bas, disait-on, était libre et facile : on n'y retrouvait pas le formalisme guindé qui l'irritait dans la société britannique. Elle s'imaginait mettant au rebut ses jupons et ses crinolines, se faisant couper les cheveux court et passant toutes ses journées à cheval, un mousquet en bandoulière.
Jay avait-il des défauts ? Mère disait qu'il était vaniteux et qu'il ne pensait qu'à lui, mais Lizzie n'avait jamais rencontré un homme chez qui ce ne f˚t pas le cas. Elle avait d'abord cru qu'il était faible pour ne pas s'opposer plus fermement à son frère et à son père. Mais elle se disait maintenant qu'elle avait d˚ se tromper sur ce point car, en la demandant en mariage, il les avait défiés tous les deux.
Elle arriva sur la berge de la rivière. Ce n'était pas un ruisseau de montagne, mais un torrent profond, large de quatre-vingt-dix pieds et aux eaux tumultueuses. Le clair de lune étincelait sur ses remous en taches argentées, comme une mosaÔque fracassée.
L'air était si froid que c'était douloureux de respirer, mais la fourrure lui tenait chaud. Lizzie s'adossa au large tronc d'un vieux pin et contempla les tourbillons du courant. Elle vit quelque chose bouger sur l'autre rive.
Ce n'était pas en face d'elle, mais un peu en amont. Elle crut tout d'abord que c'était un cerf: ils se déplaçaient souvent de nuit. «a n'avait pas l'air d'être un homme : la tête était trop grande. Puis elle constata que c'était bien un homme mais avec un ballot noué sur la tête. quelques instants plus tard, elle comprit. Il s'approcha du bord du torrent, la glace craquant sous ses pieds, et se glissa dans l'eau.
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Le ballot devait contenir ses vêtements. Mais c s'en irait nager dans la rivière à cette heure de la ni en plein hiver? Elle se dit que ce pourrait bien êl McAsh, qui s'efforçait d'éviter le garde de faction s le pont.
Lizzie frissonna sous son manteau de foi rure en songeant combien l'eau devait être froic Elle avait du mal à imaginer qu'un homme puis survivre en plongeant la-dedans.
Elle savait qu'elle devrait s'en aller. Elle ne pouv; s'attirer que des ennuis en restant là à regarder i homme nu nager dans la rivière. Sa curiosité néa moins l'emporta et elle resta là, immobile, à suivre tête de l'homme qui traversait le
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