Le pays des grottes sacrées
Elle réussit à en arracher son regard et
se leva.
Elle se dirigea lentement vers le
gros rocher incliné.
Cette pierre luit ! Non,
c’est encore un effet de mon imagination. C’est seulement le clair de lune. La
roche est différente des autres, peut-être réfléchit-elle mieux la clarté de la
pleine lune.
Elle ferma les yeux, longtemps,
lui sembla-t-il. Quand elle les rouvrit, la lune l’attira de nouveau, l’énorme
pleine lune l’aspirait. Elle regarda alentour. Elle volait ! Sans faire de
vent ni de bruit. Elle regarda en bas. La falaise et la rivière avaient disparu
et le paysage lui était inconnu. Elle crut un instant qu’elle allait tomber.
Elle avait le vertige. Tout tournait. Des couleurs vives formaient autour
d’elle un vortex de lumière chatoyante qui tourbillonnait de plus en plus vite.
Ça s’arrêta soudain et Ayla se
retrouva en haut de la falaise. Elle se prit à se concentrer sur l’énorme lune
qui grossissait encore, emplissait de nouveau son champ de vision. Attirée en
elle, elle se remit à voler, à voler comme elle le faisait quand elle aidait
son Mamut. Elle baissa les yeux et vit la pierre. Elle était vivante, rutilante
de spirales de lumière palpitante. Elle se sentait aspirée par elle, happée par
le mouvement. S’échappant du sol, des lignes d’énergie tournoyaient autour de
l’énorme colonne de pierre en équilibre précaire, puis disparaissaient en une
couronne de lumière à son sommet. Elle flottait juste au-dessus du rocher
luisant, le regard fixé sur lui.
Il était plus brillant que la
lune et éclairait les parages. Il n’y avait pas un souffle de vent, pas la
moindre brise, aucune feuille ou branche ne bougeait, mais le sol et l’air
autour d’elle étaient animés d’un mouvement empli de formes et d’ombres qui
voltigeaient en tous sens, de formes sans substance qui fulguraient au hasard,
distillant une faible énergie semblable à la lueur de la pierre. À mesure
qu’elle regardait, le mouvement se précisait, s’orientait vers un but. Les
formes se dirigeaient vers elle, la pourchassaient ! Elle éprouva une
sensation de picotement, ses cheveux se dressèrent sur sa tête. L’instant
d’après, elle dévalait le sentier escarpé en trébuchant, glissant, emportée par
la peur. En arrivant à l’abri, elle courut vers l’entrée éclairée par le clair
de lune.
Couché près du lit de Marthona où
elle lui avait dit de rester, Loup leva la tête et gémit.
Ayla continua sa course vers la
Rivière du Bas, puis vers la Rivière et le sentier qui la longeait. Elle se
sentait chargée d’énergie et courait maintenant pour le plaisir, non plus
pourchassée mais attirée par quelque force énigmatique. Elle traversa la
rivière au Gué avec force éclaboussures et poursuivit son chemin, pour toujours
lui semblait-il. Elle approchait d’une haute falaise en surplomb, une falaise
qui lui était à la fois familière et totalement inconnue.
Elle arriva à un sentier escarpé
et commença à grimper, le souffle rauque, incapable de s’arrêter. En haut du
sentier s’ouvrait le trou sombre d’une grotte. Elle pénétra en courant dans ses
ténèbres, si épaisses qu’elles en étaient presque palpables, puis trébucha sur
le sol irrégulier, tomba de tout son long et heurta la roche de la tête.
Elle se réveilla dans
l’obscurité. Elle se trouvait dans un long tunnel noir, mais elle y voyait
quand même. Les parois luisaient, faiblement irisées par l’humidité. Elle se
dressa sur son séant, la tête endolorie, et pendant un moment elle vit tout en
rouge. Elle avait l’impression que les parois défilaient à toute allure alors qu’elle
ne bougeait pas. L’irisation se remit à miroiter, ce n’était plus sombre. Les
parois flamboyaient de couleurs sinistres, verts fluorescents, rouges
rutilants, bleus éclatants, blancs lumineux.
Elle se releva et longea la paroi
glissante, froide et humide qui devint d’un bleu-vert glacial. Elle n’était
plus dans une caverne, mais dans une crevasse au fond d’un glacier. Ses grandes
surfaces planes reflétaient des formes fugitives et éphémères. Au-dessus
d’elle, le ciel était d’un bleu violacé profond. Sa tête lui faisait mal et le
soleil éblouissant l’aveuglait. Il se rapprocha et emplit la crevasse de
lumière, sauf que ce n’était plus une crevasse.
Elle était dans une rivière
impétueuse, emportée par le courant. Des objets passaient à côté d’elle,
Weitere Kostenlose Bücher