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Le petit homme de l'Opéra

Le petit homme de l'Opéra

Titel: Le petit homme de l'Opéra Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Claude Izner
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beau monde, elle se produisait dans les cafés-concerts. C'est tout de même mieux que de façonner des allumettes, qu'elle disait. Ah, sa Josette, depuis le drame, elle la vénérait, bien que celle-ci se moque éperdument du sort de sa mère. Elle venait la visiter deux fois l'an, et encore...
    — Contez-moi de ce drame.
    — Quand elle était petite, Josette rêvait de devenir danseuse. Elle était rat à l'Opéra de la rue Le Peletier, elle a failli mourir quand il a brûlé. C'était il y a longtemps, elle avait sept ou huit ans. Un homme l'a sauvée des flammes. Après ça, sa mère n'a jamais voulu qu'elle continue les cours. Josette ne parlait presque pas, elle ne se souvenait de rien, mais la nuit, elle faisait des cauchemars. Les autres enfants l'évitaient, elle s'isolait, seule dans son coin. Sa mère trimait à la fabrique de cigarettes, elle se saignait aux quatre veines pour assurer un avenir à sa fille. Et puis un jour, elle a reçu un mandat accompagné d'une lettre. Je n'ai jamais vu la lettre, mais elle m'a révélé ce qu'elle contenait : Voici une somme d'argent pour votre Josette, vous ne me connaissez pas et vous ne me connaîtrez jamais, mais je tiens à vous soutenir financièrement jusqu'à ce qu'elle atteigne ses dix-huit ans. Votre fille, c'est mon salut, ma rédemption. Avec ces sous, Suzanne Arbois a envoyé Josette à l'école, la petite a appris à lire, à écrire, à calculer, elle a pris des leçons de danse chez un professeur qui enseignait au bal Bullier, pas de la chorégraphie de ballet, ça, non, mais enfin elle a acquis les moyens de se faire une situation dans le spectacle. Quand elle a célébré son dix-huitième anniversaire, les mandats ont cessé d'arriver et Josette a quitté le quartier.
    — Vous pourriez décrire l'assassin ?
    — Il portait une houppelande, je n'ai pu voir ses traits.
    — Il était grand ? Petit ? C'était un homme ? Une femme ?
    — J'étais si effrayée, je n'y ai pas prêté attention. Il est entré dans la maison, C'était un familier, c'est sûr. Mme Arbois l'a prié de s'asseoir. Elle lui a dit : « C'est une douzaine que vous m'avez commandée ? Ce sera un sou pièce. »
    — Une douzaine de quoi ?
    — Je suppose que c'étaient des gâteaux, j'ai senti un parfum de miel. Pour une poignée de sous elle confectionnait des madeleines, des tartelettes, des massepains qu'elle vendait à des épiceries fines ou à des traiteurs. Elle ne gagnait pas lourd, mais elle parvenait à joindre les deux bouts grâce aux sucreries qu'elle écoulait aux fêtes foraines de Paris et sa banlieue. Parce que sa fille, il ne fallait pas compter sur elle.
    — Du pain d'épice ? Des cochons en pain d'épice ?
    Victor avait avancé cette suggestion au hasard tout en tâchant d'ordonner les idées qui se bousculaient dans son esprit.
    — Je crois que oui, murmura Pauline.
    Les roues crissèrent sur la chaussée, ils avaient atteint l'avenue du Général Michel-Bizot.
    — Je vous laisse là ? s'enquit M. Pipatte. Il y a une station de fiacres à deux pas.
    — Oui, merci.
    Victor serra le bras de Pauline.
    — Écoutez-moi, mademoiselle, et faites-moi confiance. À la première heure demain, vous irez quai des Orfèvres. Vous demanderez l'inspecteur Valmy et vous lui relaterez toute l'histoire. C'est un homme intègre, il vous protégera. Pour des motifs privés, je vous prie instamment de ne pas lui dévoiler mon nom, nous avons un différend à régler. Si vous vous abstenez de le mettre au courant, je serai malheureusement dans l'obligation de le faire moi-même et je n'y tiens pas tant que ça. Au moindre problème, téléphonez-moi au numéro inscrit sur ce bristol.
    — Pourquoi faites-vous cela, monsieur ?
    — Un de mes amis très chers a pour devise : « Sauver la vie d'un homme vaut plus qu'une pagode de sept étages. » Courage, bientôt vous pourrez reprendre une vie normale, je vous le promets.
    Il regarda s'éloigner la roulotte et se mit en quête d'un fiacre.

CHAPITRE XVII
    Lundi 19 avril
     
    Trois tubes renfermant des dépêches voyageaient à toute allure dans le labyrinthe pneumatique quadrillant le sous-sol de la capitale. Dès leur arrivée dans les bureaux de poste respectifs, les curseurs furent ouverts et leur contenu remis à un facteur uniquement affecté à ce service.
    Si bien qu'une heure à peine après l'envoi des messages, leurs destinataires déchiffrèrent avec des sentiments divers les pattes de mouche d'Olga Vologda les

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