Le petit homme de l'Opéra
polyglottes auront découvert Dracula , de l'Irlandais Abraham Stoker, dit Bram Stoker ; Couronné de rêves , de l'Allemand Reiner Maria Rilke ; Capitaine courageux de l'Anglais Rudyard Kipling ou bien L'Homme invisible de l'Anglais H. G. Wells.
Les enfants ne sont pas oubliés. Le 12 décembre, un Américain d'origine allemande, Rudolph Dirks, publie, dans le New York Journal, The Katzenjammers Kids qui feront encore rire les arrière-petits-enfants de ces gamins de la fin du XIX° siècle sous le nom de Pim, Pam et Poum . Ses héros sont deux garnements en lutte contre toute forme d'autorité et jouant des tours pendables à leur entourage. Ils sont accompagnés de leur mère, « die Marna » (Tante Pim en France), par « der Captain » (le Capitaine) et « der Inspector » (l'Astronome en France). The Katzenjammers Kids est considéré comme l'une des plus anciennes bandes dessinées utilisant des ballons pour y placer les dialogues.
Les amateurs de théâtre seront comblés avec Un client sérieux , de Georges Courteline, et Cyrano de Bergerac , d'Edmond Rostand.
Je vous préviens, cher myrmidon, Qu'à la fin de l'envoi, je touche.
Le soir du 27 décembre, le rideau du théâtre de la Porte-Saint-Martin va s'ouvrir sur la répétition générale d'une pièce inédite en cinq actes, œuvre d'un jeune auteur à qui l'on doit déjà : Les Musardises , Les Romanesques, La Princesse lointaine et La Samaritaine . Il se nomme Edmond Rostand, il a vingt-neuf ans.
Les ultimes répétitions de Cyrano de Bergerac ont été entachées d'incidents. A l'une d'elles sont venus assister Waldeck-Rousseau et son épouse. Au moment où l'on s'apprête à lever le rideau, le régisseur, affolé, vient annoncer que Maria Legault, qui incarne Roxane, souffre d'une extinction de voix. Elle est remplacée au pied levé par Rosemonde Gérard, la femme de Rostand.
Le soir de la « couturière », le jeu des figurants du premier acte laisse à désirer. Le lendemain, Edmond Rostand revêt un costume, se mêle à eux à l'insu des acteurs et du public et dirige les mouvements de foule sur la place.
Plusieurs pièces en vers montées dans ce théâtre ont essuyé un fiasco et la direction s'est fait tirer l'oreille pour s'engager dans cette entreprise. Cinq actes en vers ! La date de la création n'a cessé d'être différée. On a lésiné sur les décors, sur les costumes. Oui, Cyrano de Bergerac n'a pas la moindre chance de séduire le public. Et cependant que d'efforts, que de travail fournis par l'auteur, penché sur son bureau de sa maison de la rue Fortuny pendant dix mois. Fortuny, fortune, il aurait dû y songer...
C'est le grand soir, l'atmosphère est au pessimisme. Trac, doutes, incertitudes. Un ami n'a-t-il pas déclaré lors d'une répétition : « La tirade des nez, très mauvais. Coupez-moi ça carrément. »
Pâle, en larmes, Edmond Rostand se jette dans les bras de Constant Coquelin, dit Coquelin Aîné, son interprète principal, et s'écrie : « Pardon ! Ah ! Pardonnez-moi, mon ami, de vous avoir entraîné dans cette triste aventure. »
Le Tout-Paris a investi l'orchestre et la corbeille. Ceux qui font et défont les gloires au soir d'une première sont présents.
Le brigadier frappe les trois coups. Le rideau monte. Début du premier acte.
Le public est distrait, on feuillette le programme, on s'amuse de sa nouvelle présentation, une innovation qui reproduit les traits des comédiens à l'aide de photographies. On sourit avec condescendance à la lecture de l'inscription placée sous le cliché de l'auteur : Si l'homme est jeune, son talent est mûr...
— Le four, le four, ce sera un four, murmure celui-ci, dissimulé derrière une tenture.
Soudain une vague d'applaudissements retentit. Cyrano entre en scène. Les applaudissements redoublent. Fin de l'acte 1, le rideau se baisse après neuf rappels. A la fin du troisième acte, c'est le délire.
— L'auteur ! L'auteur ! scande la salle.
Entracte. Les coulisses sont envahies. Catulle-Mendès, un romancier sensualiste très fécond, poète lyrique du groupe des parnassiens et auteur de théâtre, s'adresse à Rostand . « En dépit de mon grand âge, lui dit-il (il n'a que cinquante-neuf ans), permettez-moi de vous appeler humblement "mon père", comme le fit Rotrou pour Corneille au soir de la création du Cid ! »
La représentation se poursuit. Lorsque Coquelin lance les deux derniers mots à la fin du cinquième acte : Mon panache ! une clameur
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