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Le petit homme de l'Opéra

Le petit homme de l'Opéra

Titel: Le petit homme de l'Opéra Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Claude Izner
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fit des gorges chaudes avait autrement d'importance.
    Néanmoins, il demanda humblement :
    — Pourrais-je te prier de surveiller la boutique pendant une heure ou deux ?
    Sans questions indiscrètes, souriante malgré la douleur sourde que la Cérébrine ne parvenait pas à atténuer, elle renonça au lit et le suivit vers l'escalier à colimaçon.
    — Je n'ai encore jamais tenu ce rôle.
    — Ne t'inquiète pas, tu n'auras qu'à dire aux éventuels clients de passer une autre fois.
    — Tu n'as pas compris : je suis fière ! C'est un peu comme si je devenais Mme Mori.
    — Tu l'es, surtout après cette nuit... mouvementée. Un dernier détail : souviens-toi, si on t'apporte un cochon en pain d'épice, mets-le de côté sans y toucher.
     
    — Victor, vous vous fichez de moi ! Un pneumatique d'Olga Vologda ? Je croyais qu'elle avait quitté Paris pour les volcans d'Auvergne avec ce malade, vous savez, le spécialiste de l'insalubrité citadine, l'amateur de Robida. Oh, j'y suis ! C'est une ruse d'Eudoxie Maximova décidée à vous mettre le grappin dessus !
    — Ne dites pas de sottises. Pourquoi un entretien à la foire du Trône ? Vous m'accompagnez, oui ou non ?
    — C'est un traquenard, je vous aurai prévenu, va falloir se déguiser en courant d'air.
    Joseph raccrocha, songeur. Il n'avait pas eu le courage de refuser son concours à Victor et cette nouvelle péripétie l'émoustillait. Toutefois, il eût préféré ne pas avoir à quitter Iris tant qu'Euphrosine, sortie acheter des chaussures à Daphné, ne serait pas rentrée.
    — Elles ne vont pas tarder, et puis tu as le téléphone à portée de main.
    Iris soupira. À quoi bon infliger des remontrances à Joseph ? Elle éprouvait à son égard une indulgence encore plus grande que celle que lui inspirait sa fille. Pourtant, elle le soupçonnait de lui mentir.
    — Tu me donnes ta parole que c'est Victor lui-même qui t'appelait ? N'est-il pas assez averti pour négocier cet appareil sans toi ?
    — C'est que ça pèse, ces machins-là ! Le temps qu'il marchande, qu'on se coltine le trajet à pinces jusqu'à la Nation, avec la procession de traîne-savates qui vous écrabouille les arpions...
    — Et que vous mangiez une gaufre ou un cochon en pain d'épice...
    — Moi ? Boulotter des dégoûtations pareilles ? Sur la tête de papa, I swear never to eat a pig ! s'exclama-t-il en s'efforçant d'adopter l'accent londonien le plus chic.
    — Bravo, tu progresses en anglais ! Le chemin de la vérité est pavé de beaux serments. J'insiste pour que, quelle que soit la langue choisie, tu renouvelles ta promesse.
    La paume droite sur le cœur, l'index gauche dressé, Joseph prit le ciel à témoin que celle ou celui qui affirmerait l'avoir aperçu grignoter un cochon à la foire n'était pas né.
    — Toi-même, ma chérie, bannis ces sales bêtes de ton horizon et de celui de Daphné.
    — Oh, moi, je me consacre aux horloges, murmura-t-elle quand elle fut certaine qu'il s'était éloigné. Elle s'empara de son cahier et écrivit :
    « Ouvrez vos manuels, il est l'heure d'apprendre vos multiplications, vos additions, vos soustractions », ordonna la plus grosse des pendules, celle qui tenait lieu d'institutrice en chef Les enfants obéirent. Tous, sauf Paulette qui demanda : « Et broder est-ce que j'en ai le droit ? Broder des contes à dormir debout ? »
     
    Victor et Joseph s'étaient rejoints près d'une escarpolette, une demi-heure avant le rendez-vous fixé par le pneumatique signé Olga Vologda. Ils piétinaient en humant le parfum des nougats et des barbes à papa proposés aux passants désœuvrés par un loustic à la carrure d'athlète.
    Les trains déversaient leur contingent de voyageurs dont une partie se jetait dans la foire tels des baigneurs dans l'océan. Les détonations d'un stand de tir répondaient aux rengaines de chanteurs des rues. Un violon pleurait à la ritournelle d'une jeune fille :
    Voyez ce beau garçon-là
    C'est l'amant d'A
    C'est l'amant d'A
    Voyez ce beau garçon-là
    C'est l'amant d'Amanda
    Victor broya le bras de Joseph.
    —Pagès !
    Ils se tassèrent derrière un des piliers métalliques de la gare.
    Lambert Pagès, coiffé d'un canotier, avait aplati sa crinière carotte sous une couche de brillantine. Il arpentait nerveusement le quai, roulant des prunelles. Soudain, ils virent se dandiner vers lui Broussard, le quincaillier, en complet noir et melon assorti.
    —Ils font une jolie paire, ne manque que la belle Olga,

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