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Le petit homme de l'Opéra

Le petit homme de l'Opéra

Titel: Le petit homme de l'Opéra Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Claude Izner
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convoquant en des termes identiques, ce jour même, à 14 heures, à la station du chemin de fer de ceinture près du pont qui enjambait le cours de Vincennes.
    Mon très cher,
    Des développements imprévus se sont produits dans l'affaire qui nous intéresse. Ce que j'ai à vous révéler est d'une importance capitale. Je suis accablée d'une détresse immense et me livre corps et âme à la dévotion dont je me sais l'objet. Ne me faites pas faux bond !
    Votre Olga
    Déterminé à résoudre définitivement la situation, Anicet Broussard exhuma de l'armoire son costume de marié aux poches bourrées de naphtaline. Il procéda à une toilette méticuleuse et étrenna le rasoir Gillette afin de raccourcir ses favoris et les pointes de sa moustache. Il s'inonda d'eau de Parme avant de réveiller ce fainéant d'Anthelme qui ronflait comme un bienheureux.
    Lambert Pagès ressentit une vive irritation. Son après-midi était déjà réservé à un projet auquel il attachait beaucoup d'importance. Et voilà que... Il pesa le pour et le contre, basta, son emploi du temps subirait un retard d'une heure ou deux, tergiverser eût été ridicule.
    Quant à Victor Legris, il était autant intrigué qu'inquiet.
     
    — Que vous apportera cette entrevue ? Georges Méliès est de loin la plus qualifiée de vos relations en ce qui concerne le cinématographe. Un forain inconnu risque de chercher à vous filouter en vous vendant à prix d'or une machine de second choix.
    — Je ne suis pas aussi naïf que vous le croyez. Je n'ai d'ailleurs nulle intention d'acquérir cet appareil, je veux seulement l'examiner en détail.
    Aux curieux feuilletant les ouvrages anciens et modernes de la librairie Elzévir, Kenji et Victor offraient l'apparence de deux amis discutant d'un ton badin à propos d'une invention encore confidentielle. Fréquenter de longue date les deux hommes eût permis de décrypter la contrariété de Kenji à sa façon de pianoter sur le buste de Molière et le défi que lui lançait son fils adoptif à son front plissé jusqu'à lui donner l'aspect d'un cocker tourmenté par une énigme philosophique.
    — Si vous partez, je serai coincé, puisque Joseph a pris un jour de congé.
    — Je vous promets de vous délivrer rapidement. Juste un aller-retour en fiacre et vous êtes libre !
    — Libre de me perdre en conjectures quant à votre comportement, marmotta Kenji.
    Mais Victor se hâtait déjà vers le boulevard Saint-Germain. Il n'entendit pas le grelot du téléphone.
    Kenji était demeuré immobile, les yeux dans le vide. La sonnerie persistait. Mécaniquement, il décrocha.
    — Monsieur Mori ? Bien le bonjour. Inspecteur Augustin Valmy. M. Legris est-il disponible ?
    — Il vient de déguerpir.
    — Vous a-t-il indiqué où il allait ?
    — À la foire du Trône, rencontrer un forain soi-disant propriétaire d'un projecteur cinématographique.
    — C'est ce que je craignais. Nous devons à tout prix le devancer avant qu'il ne se produise un malheur. Un de mes agents est assigné à sa sécurité. Voyez-vous, le cochon que je vous ai confisqué hier ne contient aucune substance toxique. En revanche, ceux qui ont déjà tué trois personnes en étaient pimentés. J'ai enfin réussi à obtenir l'autorisation d'exhumer les corps de Tony Arcouet et d'Agénor Féralès et fait pratiquer l'autopsie. Le légiste est formel, il a décelé d'infimes résidus de poison. Où trouve-t-on des cochons en pain d'épice ?
    À la foire du Trône, énonça Kenji d'un ton sinistre. À quel endroit dois-je vous rejoindre ?
    — Place de la Nation, devant le manège des chats, le plus vite possible.
    Kenji reposa le combiné. Il resta là, les bras ballants, telle une marionnette suspendue. Le souffle court, il essaya de respirer normalement et réalisa que ses mains tremblaient.
    « Quand donc ces deux chenapans cesseront-ils de me gâcher l'existence ? »
    Il grimpa à l'étage où, atteinte d'une migraine, Djina somnolait. Il évitait de la mettre à contribution, estimant que ses leçons d'aquarelle représentaient une tâche assez lourde. Mais la véritable raison de cette attitude était son appréhension du qu'en-dira-t-on, en dépit du mépris qu'il avait toujours prétendu afficher envers les règles de la bienséance. Djina, sa bien-aimée, ne serait jamais que sa maîtresse puisque son époux exilé à New York regimbait au divorce. Que le Tout-Paris s'en offusquât était insignifiant. Que la clientèle de la librairie en

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