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Le petit homme de l'Opéra

Le petit homme de l'Opéra

Titel: Le petit homme de l'Opéra Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Claude Izner
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facétieux où étaient calligraphiées des évidences telles que :
    RATÉ !
    CECI RESSEMBLE À LA SORTIE
    MAIS CE N'EST QU'UN CUL-DE-SAC
    ou bien :
    PATIENCE, PLUS QUE CENT ANS
    À ERRER CHEZ LE MINOTAURE
    SANS QU'UNE ARIANE SE RADINE.
    ils débouchèrent à l'air libre via deux entrées parallèles et se ruèrent l'un vers l'autre, soulagés et furieux.
    — Vous vous payez ma fiole !
    — C'est votre faute s'ils se sont noyés dans la cohue, brailla Victor pour couvrir le tintamarre.
    — Par ici, intrépides chevaliers, osez affronter les fantômes et les individus peu recommandables que nous avons emprisonnés dans notre demeure maléfique. Ils vous attendent, ils se préparent à la bataille qui vous anéantira, à moins que vous n'ayez le courage de les détruire. Serez-vous de taille à délivrer le monde des ravages causés par les forces sataniques ? Ou bien fuirez-vous, pauvres minables que vous êtes, incapables d'exhiber votre cœur de lion et les quinze sous nécessaires à ce terrible combat ?
    L'homme qui bramait ainsi attira leur attention sur une façade de carton-pâte qu'un peintre halluciné avait décorée de hideuses créatures. Un monstre à deux têtes dont les canines s'efforçaient de toucher les coudes occupait la place centrale de cette composition fort éloignée des tendances les plus audacieuses de l'art pictural moderne.
    — Allons-y, cocotte, je sens qu'on va se désoperculer la rate mieux que chez la dompteuse de puces ! proposa à sa bien-aimée un fantassin permissionnaire.
    La crinière de Pagès flamboya un instant sous le canotier au guichet de la Maison des Spectres où s'introduisait déjà le melon de Broussard.
    — Oh, non, pas ça ! Vous m'aurez fait boire le bouillon jusqu'à la lie ! gémit Joseph, contraint de talonner Victor.
    D'abord, ce fut le néant. Puis des mains invisibles leur tendirent des bougies et on leur susurra :
    — Vous voici dans le domaine du Temps.
    Ils devinèrent une silhouette longiligne entortillée d'un drap de lit et armé d'une immense faux. Victor n'eut qu'un haussement d'épaules, mais manifestement, ses pensées s'emballaient. Il entendit Joseph gargouiller comme s'il avait reçu un coup de poing dans l'estomac. Ils détalèrent vers une porte vaguement éclairée d'une lanterne rouge. Dès qu'ils l'eurent franchie, on les avertit :
    — Déposez vos bougies sur le reposoir, hardis explorateurs. Vous pénétrez dans l'antre de la femme-torpille. Si vous la frôlez, fût-ce de l'embout de votre canne, vous serez secoués d'une commotion électrique égale à celle sécrétée par ces dangereux animaux cartilagineux nommés raies. Méfiance !
    À la pâle lueur de lampions blanchâtres, une forme floue virevolta à leur rencontre, mue par l'ambition de les caresser de la pile dissimulée sous ses oripeaux. Ils poursuivirent leur course sur les traces de Pagès et Broussard dont ils percevaient les gloussements.
    — Par quelle erreur fatale vous êtes-vous fourvoyés dans le domaine des Harpies, étrangers ? articula une voix éraillée qu'une cuillerée de sirop contre la toux eût adoucie.
    Des lampes clignotèrent autour d'une série de miroirs où se reflétaient trois gigolettes emplumées à la chevelure hirsute, plus trépidantes que des derviches.
    — J'espère qu'on les rémunère largement, les malheureuses. Elles me flanquent le tournis, remarqua Joseph. Aïe, vous avez fini de me pincer ?
    Mais, quand il se tourna vers Victor, il tomba nez à nez sur un squelette rigolard. Aucune idée de bravoure ne l'effleura. Retrouver son beau-frère, c'est juste à cela qu'il aspirait. Il hoqueta et s'empressa de gagner une autre pièce.
    C'était hélas la chambre des tortures. On s'y cognait à des chevalets, à une vierge de Nuremberg hérissée de clous, à des instruments contondants dont des mannequins de cire subissaient les effets indésirables.
    — Victor, c'est vous ? chuchota-t-il, penché vers le visage terreux d'une de ces victimes pendue à une estrapade.
    Pour toute réponse, il n'obtint qu'un rire gras.
    Soudain il fut cerné d'une nuée pareille à des papillons noirs en quête de lumière. C'en fut trop, il battit en retraite vers la seule issue : un escalier agité de violents soubresauts qui le mena à l'étage supérieur, territoire des trépassés. Là, il eut droit à un parcours agrémenté d'attouchements à travers un bric-à-brac de cercueils en papier mâché. Ses assaillants, au nombre de quatre, étaient

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