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Le petit homme de l'Opéra

Le petit homme de l'Opéra

Titel: Le petit homme de l'Opéra Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Claude Izner
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culpabilité de Dreyfus. Picquart est chef de bureau des renseignements depuis le 1" juillet 1895.
    Picquart découvre en 1896 l'existence d'un petit bleu, jamais expédié et déchiré, qu'un agent au service du contre-espionnage français a ramassé dans une corbeille à papiers de l'ambassade d'Allemagne. Ce pneumatique était adressé par l'attaché militaire von Schwartzkoppen au commandant Esterhàzy, 27, rue de la Bienfaisance à Paris. Son objet : une demande de renseignements sur « la question en suspens ». Intrigué, le lieutenant-colonel Picquart recherche qui est Esterhàzy.
    Fernand Walsin Esterhàzy, dit comte Esterhàzy, est actuellement en poste à Rouen au 74e d'infanterie. Il a successivement été officier dans l'armée autrichienne, puis chez les zouaves pontificaux, ensuite il a servi dans la Légion étrangère. L'enquête menée par Picquart révèle que cet individu a la réputation d'être un débauché. Il fréquente les milieux interlopes et vit d'expédients, de jeux et d'escroqueries.
    Picquart compare l'écriture d'Esterhàzy avec celle du bordereau qui a fait condamner le capitaine Dreyfus. Elle est identique. Le véritable auteur de ce bordereau, c'est Esterhàzy, le correspondant de Schwartzkoppen.
    Le 3 septembre 1896, il en informe son chef, le général Gonse. Celui-ci lui répond :
    «— Qu'est-ce que cela peut bien vous faire que ce Juif soit ou non à l'île du Diable ?
    « — Mais il est innocent ! rétorque Picquart.
    « — Si vous ne dites rien, personne ne le saura, tranche Gonse.
    « — Mon général, ce que vous dites est abominable ; je ne sais pas ce que je ferai, mais je n'emporterai pas ce secret dans la tombe ! » s'indigne le lieutenant-colonel.
    Il est urgent de se débarrasser de Picquart. On l'expédié dans le Sud tunisien, à la frontière, d'où on espère qu'il ne reviendra jamais.
    L'affaire est réglée, l'état-major est soulagé.
    Picquart est la proie d'un dilemme. Patriote convaincu, soldat depuis vingt-cinq ans, il ne peut divulguer ses convictions de l'innocence de Dreyfus sans compromettre l'armée française. Il profite d'une permission pour prendre contact avec son avocat, maître Leblois, et lui confie une lettre qui fait le récit de tout ce qu'il sait sur l'affaire Dreyfus. S'il vient à être tué, Leblois doit remettre ce document au président de la République.
    L'avocat Leblois pense qu'il n'a pas le droit de garder le silence. Il décide de se confier à un homme probe et influent qui saura faire éclater la vérité. Il s'agit d'Auguste ScheurerKestner, vice-président du Sénat, Alsacien, protestant, oncle de Jules Ferry. Républicain de la première heure, il fut l'ami de Gambetta. Malheureusement, maître Leblois lui fait promettre de ne pas livrer ses sources car ce serait condamner Picquart.
    Au début du mois d'octobre ScheurerKestner est reçu par Félix Faure, le président de la République. Entrevue sans résultat, car le vice-président du Sénat ne peut étayer par des preuves ce qu'il avance. Il est éconduit.
    Le sénateur tente alors de convaincre successivement Billot, ministre de la Guerre, Hanotaux, ministre des Affaires étrangères, et Méline, président du Conseil. En vain. L'état-major contre-attaque et s'emploie à empêcher toute poursuite contre Esterhâzy. L'honneur de l'armée est en jeu et il est hors de question de revenir sur la chose jugée. Hanotaux, le ministre des Affaires étrangères assure à ScheurerKestner que Dreyfus est coupable.
    Mme de Boulancy, une des maîtresses délaissées d'Esterhàzy, escroquée et humiliée, décide de se venger. Elle fait parvenir à son avocat, maître Jullemier, des lettres compromettantes qu'Esterhàzy lui adressa treize ans auparavant. Maître Jullemier rencontre le sénateur ScheurerKestner et lui en transmet le contenu :
    « Les Allemands mettront tous ces gens-là [les Français] à leur vraie place avant longtemps [...]. Je suis absolument convaincu que ce pays [la France] ne vaut pas la cartouche pour le tuer [...]. Je ne ferais pas de mal à un petit chien, mais je ferais tuer cent mille Français avec plaisir [...]. Paris pris d'assaut et livré au pillage de cent mille soldats ivres, voilà une fête que je rêve. Ainsi soit-il. »
    Le 9 novembre, Félix Faure déclare au Conseil des ministres :
    — « Dreyfus a été régulièrement et justement condamné. »
    Mathieu Dreyfus, le frère du capitaine, ignore ces manœuvres, lorsqu'un hasard

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