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Le peuple du vent

Le peuple du vent

Titel: Le peuple du vent Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Viviane Moore
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qu’elle sait où est sa place ! Où était-elle ? Encore à chevaucher à travers la lande en se prenant pour un homme !
    — Vous êtes trop dur avec elle, messire.
    — Il suffit sur ce chapitre ! Vous avez assez plaidé sa cause, l’aumônier. Mais ce n’est pas et ce ne sera jamais l’égal de son frère. Quoi qu’elle fasse ! Et plus elle voudra lui ressembler, plus elle me déplaira.
    Essoufflé par cette longue tirade, Serlon se tut un moment, puis reprit :
    — Avez-vous prévenu le père abbé à Lessay ? Il serait bon que ma soeur soit enterrée aux côtés de notre mère et cela dès demain matin. Malgré le froid, avez-vous remarqué comme la maladie ronge son corps ? L’odeur est déjà forte.
    — Je pensais bien que vous me demanderiez cela. Un des garçons d’écurie est parti lui porter un message.
    — Bien.
    Baptiste hésita, puis ajouta :
    — J’ai aussi pris la liberté de faire prévenir frère Aubré.
    — Aubré !
    La voix de Serlon se mua en rugissement.
    — Mais de quel droit ?
    — Du droit de celui qui honore le serment fait à une morte, sire. Frère Aubré est à Lessay. Le père abbé lui donnera le message.
    — Vous êtes donc en relation avec lui ?
    L’aumônier s’inclina.
    — Des liens religieux, messire, uniquement des liens religieux.
    Baptiste affronta sans ciller le regard furieux et poursuivit :
    — Aubré et Muriel étaient très attachés.
    — Je sais qu’il est allé jusqu’à l’Épine, Ranulphe m’en avait avisé et je lui ai demandé de lui fermer sa porte.
    — Depuis ce moment, continua Baptiste, votre soeur n’a osé enfreindre vos ordres. Elle m’a fait promettre qu’il viendrait à Pirou prier sur sa dépouille.
    — Il ne pénétrera pas entre ces murs ! C’était donc là le sens de ce sermon que je n’ai guère apprécié...
    — La « Prière du juste persécuté » ? Chacun entend dans les textes ce qu’il veut bien entendre, messire. Sans doute votre soeur y a-t-elle perçu un autre message que vous : un message de paix et de réconciliation. N’avez-vous pas déjà eu tout ce que vous désiriez ? Le temps a passé, beaucoup de temps, et bien des choses ont changé depuis le jour où il quitta ce château.
    Serlon ne répliqua pas. Qu’aurait-il pu dire ? Frère Baptiste savait tout. Il était à Pirou depuis plus de quarante ans. Il avait connu ses parents, sa femme, son fils... À la pensée de ce dernier, la hargne de Serlon se dissipa pour être remplacée par une insondable tristesse. N’avait-il pas fait tout cela pour celui qui était mort avant l’âge ? Son héritier, son fils chéri, Osvald, son sang et sa chair ?
    Comme s’il avait senti ce qui se passait dans le secret de l’âme de Serlon, le frère reprit :
    — Dieu vous a durement éprouvé, messire, ne croyez-vous pas qu’il est temps pour vous aussi de faire la paix ?
    — Jamais !
    — Le père abbé de Savigny...
    — Suffit ! Je tolère bien des choses de votre part, frère Baptiste, mais je ne veux plus entendre parler de lui. Et s’il vient ici, arrangez-vous pour qu’il ne croise pas mon chemin. Qu’il reste à la chapelle et prenne ses repas dans votre cellule !
    Sur ces mots, le sire de Pirou tourna les talons et frère Baptiste sut qu’il n’en obtiendrait rien de plus.
    Déjà, songea-t-il, il avait remporté une victoire. Ce qu’il venait de faire, en d’autres temps, lui aurait valu d’être chassé... ou pire. Peut-être la mort de sa soeur avait-elle ébranlé Serlon plus qu’il ne le croyait. Qui peut savoir ce qui se passe dans le coeur de l’homme ?
    Et sur cette pensée somme toute réconfortante, l’aumônier repartit de son pas lourd vers la chapelle pour préparer la veillée funèbre.

13
    Après le départ de Serlon et du frère aumônier, Hugues de Tarse avait contourné le lit, examinant la bassine et les linges avant de se pencher vers le cadavre dont il ferma les paupières avec douceur.
    — Que faites-vous ? l’interpella Ranulphe.
    — Je ferme les yeux de votre dame, messire. Il n’est pas bon que les morts regardent les vivants. Ils pourraient regretter d’être partis...
    — Ce n’est pas ce que je vous demandais. Pourquoi l’examinez-vous ?
    — Oh, vous avez remarqué cette vieille manie ? Voyez-vous, j’ai longtemps étudié la médecine et je ne pouvais m’empêcher de me demander quelle était la maladie qui l’avait terrassée. Cette maigreur

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