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Le peuple du vent

Le peuple du vent

Titel: Le peuple du vent Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Viviane Moore
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t’aimais trop, Osvald.
    La flamme réchauffait les joues livides de la statue, colorait ses lèvres. Le visage aurait pu être celui de Serlon. Le père et le fils avaient la même stature, la même blondeur de Viking, les mêmes yeux couleur de tempête.
    — Il y a des femmes à marier... La fille aînée des Taisson a vingt ans de moins que moi, des hanches à faire des mâles et je suis toujours vigoureux. J’y pense, tu sais.
    Le monologue continua un moment, puis Serlon se releva. Il s’approcha de la statue et y posa les paumes.
    — Un signe, juste un signe ! supplia-t-il à nouveau.
    Il attendit un moment, mais rien ne se passa.
    — Tu m’en veux ? Non, tu ne peux pas m’en vouloir. Tu sais que je n’aime que toi... Mais il faut que le nom des Pirou vive après nous. Tu le sais, Osvald. Tu le sais. À tout à l’heure, mon fils, je reviendrai te voir cette nuit.
    Il souffla les bougies, verrouilla et posa la clé dans une cachette au-dessus du chambranle. Ses pas s’éloignèrent. La lueur de sa torche s’éteignit. Quelqu’un bougea dans la pénombre. Une silhouette qui se détacha du mur et remonta, elle aussi, vers la lumière.

16
    La mort de Muriel avait jeté un sortilège sur le château. Le seul signe de vie était des lamentations et des pleurs venus de la chapelle. Escaliers, couloirs et basse-cour étaient déserts. Après avoir rapidement mangé en cuisine, Tancrède et Hugues avaient gagné la salle des plaids, vaste bâtiment de bois à la charpente en forme de coque de bateau.
    L’endroit servait à la fois aux assemblées des vassaux et à l’entraînement guerrier. C’était là que se tenaient les plaids de l’Épée, les jugements rendus par le duc-roi ou ses représentants. C’était là aussi que le forgeron entreposait les armes : lances, vouges, guisarmes, épieux, haches, tinels, arcs et flèches nécessaires à la défense de la forteresse.
    Le maître d’armes, assis devant l’âtre éteint, la tête dans les mains, sursauta à leur entrée.
    — Pardon, maître Jehan. Nous vous dérangeons ? demanda Hugues qui, quels que soient les circonstances ou les gens rencontrés, ne se départait jamais de sa courtoisie.
    — Pas du tout, pas du tout, fit l’autre en se levant précipitamment. Je vois que vous avez vos lames. Vous désirez vous entraîner, messire Tancrède ?
    — Oui.
    — Puis-je me proposer comme adversaire ? fit l’homme en faisant un large geste englobant tout à la fois le son du glas et celui des lamentations. L’inactivité ne me vaut rien et ce tintement me tape sur les nerfs.
    — C’est le propre de la mort de nous faire réfléchir sur la vie, murmura Hugues.
    Jehan enfila sa cotte et saisit son épée.
    — Je suis prêt.
    Tancrède se campa devant lui, le sabre courbe au poing.
    — Allez ! fit Hugues.
    Le combat commença. L’Oriental l’observa avec attention, anticipant les gestes de chacun. Jehan, le lourd maître d’armes de Pirou, le torse bardé d’une épaisse tunique de cuir et de toile rouge renforcée de plaques de métal, se battait avec acharnement mais sans finesse. Meilleur au fléau d’armes ou à la hache qu’au combat à l’épée, il soufflait comme un taureau et attaquait avec virulence sans penser à sa fatigue. Malgré le froid, il était déjà en sueur. Son épée de taille se leva et, une nouvelle fois, Tancrède l’esquiva.
    Le jeune géant frappait peu mais vite, toujours avec précision. Il se déplaçait avec agilité, le visage grave, les gestes sûrs, laissant l’autre s’épuiser en assauts répétés. Depuis le début, celui-ci ne l’avait pas effleuré une seule fois et cela le mettait en rage. Au lieu de ralentir son rythme et d’observer son adversaire, il redoublait d’intensité, chargeant, tournant, reculant, avançant, assenant de grands coups dans le vide.
    Un sourire se dessina sur les lèvres fines d’Hugues.
    Son protégé gagnait chaque jour en habileté et en célérité. Il devenait un guerrier que même lui, avec ses années d’expérience, commençait à redouter. Il savait qu’un jour il arrêterait de le combattre et que ce jour-là Tancrède serait prêt. Il aurait alors accompli le voeu fait à son père.
    Une infinie mélancolie l’envahit au souvenir de ce lointain soir où il avait juré de faire l’éducation de l’enfant et de le protéger au péril de sa vie. Le père de Tancrède l’avait serré dans ses bras. Ensuite... Des images

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