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Le peuple du vent

Le peuple du vent

Titel: Le peuple du vent Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Viviane Moore
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anormale, ces yeux jaunes, ce teint...
    Le seigneur de l’Épine haussa ses larges épaules :
    — Nul ne le sait. Et cela n’a plus guère d’importance.
    — Pardonnez-moi, messire, mais je ne partage pas votre avis, répliqua l’Oriental d’une voix ferme. Il ne faudrait pas qu’il y ait contagion.
    — Nous ne sommes pas en Orient, que je sache. Et puis, s’il y avait contagion, mes enfants et moi-même serions déjà malades.
    — Sa maladie dure donc depuis longtemps ?
    Ranulphe, que cet interrogatoire agaçait, faillit répliquer sèchement mais se contint. L’Oriental était l’invité de marque de son beau-frère et il ne voulait en aucun cas déplaire à Serlon.
    — Quelques mois... Je crois. Mais ce sont là affaires de femmes. Et puis, elle n’était point si mal quand nous étions chez nous là-bas en pays d’Houlme. Peut-être l’air de la mer et la froidure qui règne ici l’ont-ils achevée ?
    — Messire Serlon m’a pourtant dit que vous lui aviez trouvé remède ?
    — Pas moi, je n’entends rien à ces sornettes ! Mon ancienne nourrice qui connaît les herbes. Mais il suffît maintenant de ces questions, j’aimerais rester seul.
    — Et cela vous honore, fit Hugues de Tarse en s’inclinant. Pardonnez-moi, je ne voulais pas vous importuner.
    Les filles du seigneur de Pirou et Tancrède entrèrent à ce moment-là, suivis de deux serviteurs portant des seaux d’eau fumants. Sigrid s’approcha du lit et fit le signe de croix. Randi ressortit aussitôt, livide, se bouchant le nez pour échapper à la terrible odeur qui flottait dans la pièce. Hugues avait fait signe à Tancrède de le suivre.
    — Dehors maintenant ! ordonna Ranulphe.
    Un désespoir soudain se lisait sur ses traits alors qu’il serrait les doigts de sa femme dans les siens.
    La Roussette qui craignait fort son maître s’éclipsa avec les serviteurs qui avaient posé leurs seaux près du lit. Sigrid déposa un baiser sur le front de sa tante et sortit à son tour.
    Comme la nourrice s’était approchée du cadavre dont elle s’apprêtait à faire la toilette, Ranulphe la saisit par le bras :
    — C’est aussi valable pour vous, Bertrade !
    — Mais vous m’avez dit... protesta la vieille femme. Frère Baptiste m’a donné le suaire...
    — Dehors ! hurla Ranulphe.
    La porte se referma.
    Le seigneur de l’Épine tomba à genoux, les larmes roulant sur ses joues.
    — Je t’aimais ! cria-t-il. Pourquoi n’as-tu jamais compris à quel point je t’aimais ? Tu n’as jamais aimé que notre fils. Je t’aimais tant. Je voudrais... Muriel ! Muriel, Muriel...
    Sa voix s’affaiblit et, pendant un moment, l’homme perdit la conscience de ce qui l’entourait. Il resta affaissé contre le lit, la main glacée de sa femme dans la sienne.

14
    Hugues et Tancrède avaient regagné leur chambre. L’Oriental, songeur, allait et venait dans la pièce. Il ne semblait plus avoir conscience de la présence de son disciple et marmonnait, mélangeant syrien et grec, signe que quelque chose qu’il n’arrivait à résoudre le troublait. Enfin, il s’assit sur le rebord de sa couche et sortit la tablette de cire et le style d’ivoire qui ne le quittaient jamais.
    — Qu’avez-vous vu ? demanda-t-il soudain.
    C’était un jeu que tous deux pratiquaient depuis des années. Hugues, aux moments et dans les lieux les plus insolites – église, route, auberge –, faisait appel à la mémoire de son protégé, le questionnant sur des sujets aussi divers que la couleur d’une mosaïque, les boutons d’un vêtement, le nombre de soldats d’une patrouille, les canards posés au milieu d’un étang...
    — Je...
    Tancrède hésita, tout cela avait été si vite. Il lui semblait à peine avoir regardé le cadavre. Il se lança pourtant :
    — La bouche tordue de la morte, ses narines pincées, ses mains comme des griffes sur les draps, le corps arqué. La mort a dû être longue et douloureuse, mais je pense...
    — Pas de conclusions trop rapides, le coupa Hugues. Rien que des observations.
    — Bien. L’ancienne nourrice, les yeux rougis. Le seigneur de l’Épine, immobile et tendu... Mais je n’ai pas vu Mauger. Il n’est pas venu au chevet de sa mère ?
    — Continuez !
    — La différence d’attitude des deux filles du seigneur de Pirou. L’une embrassant sa tante, l’autre prenant la fuite. C’est à peu près tout.
    — Non ! Le volet de la fenêtre ouvert ou

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