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Le peuple du vent

Le peuple du vent

Titel: Le peuple du vent Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Viviane Moore
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pente boueuse. C’était une fiole de verre à moitié vide qui, avec son bouchon bien fermé, surnageait dans l’eau noire.
    — Donne-moi ton filet ! ordonna-t-il.
    Le gamin obéit et, après quelques essais infructueux où il manqua glisser dans la douve, Tancrède ramena son butin.
    — C’est quoi ? demanda le jeune Till en montrant la fiole mêlée aux feuilles mortes et aux herbes.
    Il tendit la main, mais Tancrède arrêta son geste.
    — N’y touche pas !
    Pourquoi avait-il dit cela ? Il ne le savait pas, mais instinctivement, il s’était demandé s’il ne tenait pas là la cause de la mort des poissons. Il examina la fiole à travers les mailles du filet, puis, enfin, se décida à la saisir. Il l’essuya avec précaution et tenta en vain d’en distinguer le contenu. Le verre était trop épais.
    Il ramassa l’une des carpes mortes et décida d’amener le tout à son maître.
    — Il faut que tu jettes tout ça au feu, fit-il en désignant les autres poissons.
    — Oui-da. De toute façon, j’ai pas envie de me prendre une taloche. Si le poisson l’est pas bon, le vieux, en cuisine, il me le jettera à la tête et sa marmite avec ! Et puis, ma mère m’a toujours dit qu’on doit rien manger qu’on ait pas tué ou cueilli soi-même.
    — Ta mère est sage, Till.
    — Qu’est-ce que vous allez faire de ça ?
    — Le donner à plus savant que moi.
    Au moment où il disait ces mots, Aubré apparut à leurs côtés. Il regarda avec curiosité les poissons morts sur le sol, mais plus encore la fiole que le jeune homme n’avait pas eu le temps de dissimuler.
    — Qu’est-ce que vous avez trouvé ?
    — Je ne le sais pas encore. Vous n’avez pas vu frère Baptiste ?
    — Non, il paraît qu’il est dans le donjon avec le sire de Tarse et Serlon.
    Tancrède se fit la réflexion que le moine était bien familier quand il parlait du sire de Pirou, mais déjà l’autre demandait en désignant le flacon :
    — Est-ce l’aide d’un apothicaire que vous cherchez, sire Tancrède ?
    — Euh, non ! Je voulais la montrer à mon maître.
    — Eh bien, allons-y ensemble. Je suis curieux de savoir si celui-là mérite le titre que vous lui donnez.
    Ils repassèrent le pont-levis et se dirigèrent vers le donjon, sans s’apercevoir que, derrière eux, Mauger et sa soeur avaient rejoint Till. Le fils de Ranulphe se pencha à son tour pour examiner les poissons.

34
    Ils s’étaient enfermés tous les quatre dans l’infirmerie et Tancrède avait posé la fiole et le poisson mort sur une table.
    Il expliqua les cadavres trouvés dans la douve, la bouteille dans les hautes herbes, puis il attendit. Hugues ne disait rien. Aubré était absorbé dans la contemplation du flacon de verre, fixant le morceau de fil de laine rouge pris dans des restes de cire.
    Quant à frère Baptiste, le récit du jeune homme l’avait mis mal à l’aise. Il se dandinait d’une jambe sur l’autre et ne tenait plus en place.
    L’Oriental se tourna vers lui :
    — Avez-vous déjà vu cette fiole, mon frère ? demanda-t-il.
    Frère Baptiste sursauta :
    — Moi ? Non, bien sûr. Pourquoi me demandez-vous ça ?
    — Vous êtes bien l’infirmier de ce château ?
    — Oui, bien sûr. Mais je...
    — Ce n’est donc point là un de vos remèdes ? Ni celui d’une personne d’ici ? Avec ce fil rouge, vous le reconnaîtriez.
    — Je ne mets pas de fil, bafouilla l’aumônier.
    — Pensez-vous qu’il puisse être possible que la présence de cette bouteille soit liée à la mort des poissons ?
    L’aumônier se reprit un peu :
    — Oui, elle aurait pu continuer à flotter longtemps ainsi, puis elle aurait fini par aller vers le fond, mais... si elle fuit... Dans ce cas, cela voudrait dire que c’est un poison...
    Il s’arrêta net, horrifié par ses propres paroles, et acheva pourtant :
    — Un poison violent jeté dans la douve.
    Il s’assit brusquement sur un banc, de grosses gouttes de sueur ruisselant sur son front.
    — Nous sommes d’accord, fit Hugues qui ne l’avait pas quitté des yeux. Vous vous sentez mal, mon frère ?
    L’autre s’essuya d’un revers de manche avant de répondre :
    — Non, non, juste un peu de fatigue. Toutes ces émotions, je ne suis plus si jeune que je le voudrais. Ça va aller. Continuez, je vous en prie, messire de Tarse, ne vous occupez pas de moi.
    — Frère Aubré, vous êtes apothicaire. Je propose d’ouvrir la fiole et à nous deux

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