Le peuple du vent
connais pas les herbes aussi bien que vous. Pardon, pardon !
Soudain, quelque chose tomba dans la cellule de Baptiste, derrière l’infirmerie. Le frère s’interrompit.
— Vous avez une porte qui donne sur l’extérieur ? Elle n’était pas fermée ? demanda Hugues.
— Je ne la ferme jamais. On peut venir me voir à toute heure.
Ils se ruèrent vers la cellule, mais ne trouvèrent que le bâton de marche de l’aumônier couché sur le dallage.
Celui ou celle qui avait écouté leur conversation avait pris la fuite.
LE FEU DU CIEL
35
Tancrède et Hugues attendaient à la porte de la grand-salle avec le moine blanc que Serlon veuille bien les recevoir. Baptiste ressortit avec un air désolé.
— Il refuse de vous voir, frère Aubré.
— Pourquoi aurait-il changé ? marmonna celui-ci. Eh bien, soit, puisqu’il en est ainsi, je m’en vais. Je vous salue, messires.
Il s’inclina devant les étrangers.
— Aubré...
— Je n’en ai pas après vous, mon frère, vous avez fait ce que vous avez pu.
Il disparut dans les escaliers. Hugues allait s’adresser à l’aumônier, mais il se ravisa en voyant un serviteur s’avancer vers eux :
— Le sire de Pirou vous attend, messires, et vous aussi, frère Baptiste.
Le feu crépitait dans la cheminée, réchauffant mal la longue pièce. Il faisait si sombre dehors qu’une des servantes était venue allumer torches et chandeliers.
Assis sur son fauteuil, Serlon, les traits figés, ne bougeait pas plus qu’une statue. Tancrède, Baptiste et Hugues venaient de terminer leur récit. Il les avait écoutés sans les interrompre. Au bout d’un moment, pourtant, il murmura :
— Je ne peux pas croire qu’on l’ait empoisonnée sous mon toit ! Mais qui ?...
Il se tut et nul ne répondit.
— Par ma barbe, où est Ranulphe ? gronda-t-il. Où est mon beau-frère ?
— Il est sorti, messire, répondit Tancrède. J’étais dans la basse-cour quand je l’ai vu quitter vos écuries.
— Sorti ! Mais pour aller où ?
Le seigneur de Pirou s’était levé et marchait de long en large dans un état de colère grandissant. Les lévriers s’étaient dressés et, tremblants, la queue entre les jambes, le suivaient de leurs grands yeux inquiets.
Enfin, il alla à la porte qu’il ouvrit à la volée et cria :
— Allez me chercher un sergent !
On entendit un bruit de pas pressés et, quelques instants plus tard, un homme d’armes se présentait. Ser-lon lui demanda si son beau-frère était bien sorti.
— Oui, messire, j’étais avec les guetteurs au donjon. Votre parent est parti du côté des bois. Voulez-vous que j’envoie des hommes à sa recherche ? Ce n’était pas il y a bien longtemps, il ne doit pas être loin.
— Non. Mais prévenez mes gens qu’on le conduise sans délai près de moi à son retour. Et revenez ensuite, je vais avoir besoin de vous.
— Bien, messire.
Après avoir salué, le soldat referma les portes derrière lui.
— Il est donc parti après son esclandre avec Bjorn et notre discussion dans l’infirmerie, remarqua Serlon.
Le sire de Pirou était allé à la cheminée, appuyant son front sur la pierre chaude. Le corps tendu, il marmonnait des mots que nul ne pouvait entendre que lui-même.
— Quel esclandre ? demanda Tancrède à mi-voix à Hugues.
L’Oriental s’inclina vers lui et à mots couverts le lui expliqua.
— Il aurait osé me désobéir ! gronda soudain Serlon en se redressant, hors de lui. Je ne vois que cela, il a pris Bjorn en chasse ! Il suffit ! Partons à sa recherche.
Hugues leva la main. Son visage était soucieux.
— Point trop d’empressement, messire, fit-il. L’affaire est grave et je voudrais, si vous le voulez bien, vérifiez encore deux ou trois choses avant que nous ne fassions quoi que ce soit. Je ne crois pas Bjorn en danger. Il m’a eu l’air d’un homme habile. Non, il faut réfléchir. Il y a dans tout ça trop de choses qui nous échappent. Votre soeur est morte empoisonnée, cela ne fait aucun doute. Le poison est à effet lent, il lui était donc administré depuis un moment. Par qui ? Nous le soupçonnons, mais ne le savons pas encore. Pourquoi ? Cela aussi reste obscur.
En entendant ces mots que personne encore n’avait osé prononcer, Serlon retourna à son fauteuil et s’y laissa tomber.
— Les gens qui vivaient aux côtés de votre soeur avant sa venue ici sont son mari, Ranulphe, ses enfants : Mauger et Clotilde,
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