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Le Peuple et le Roi

Le Peuple et le Roi

Titel: Le Peuple et le Roi Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Max Gallo
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et de l’autre
côté, un vaste et superbe jardin désert… Nous sommes ici, disent ceux qui se
promènent sur la terrasse des Feuillants, sur la terre de la liberté. Et là-bas
c’est Coblence. Cette solitude, ce silence qui régnent dans le jardin où l’on
voit seulement courir quelques chiens doivent effrayer le maître du château
pour peu qu’il réfléchisse sur lui-même : il n’est pas de bon augure. »
     
    Louis n’est pas effrayé. Et cependant il ne croit pas, comme
le réclament les pétitions de certaines sections sans-culottes, qu’on se contentera
de sa déchéance, suivie de l’expulsion de la famille royale hors du territoire.
    Trop de souffrances, et donc trop de haines, trop de désirs
de vengeance se sont sans doute accumulés depuis des siècles et font de Louis
le XVI e celui qu’il faut crucifier.
    Trop de peurs aussi, d’accusations de trahison conduisent à
un verdict impitoyable. Le Manifeste de Brunswick annonce selon les
orateurs sans-culottes « une Saint-Barthélemy des patriotes ».
    Robespierre, presque chaque jour, au club des Jacobins le
répète. La rumeur se répand selon laquelle les habitants de Paris seront
conduits dans la plaine Saint-Denis, et décimés sur place dès l’entrée dans la
capitale des troupes prussiennes et de l’armée des Princes forte de vingt mille
émigrés.
    Les patriotes les plus notoires et cinquante poissardes
seront roués !
    Louis partage le sentiment du journaliste royaliste Du Rosoi
qui écrit dans la Gazette de Paris :
    « Au moment où vous lisez ces lignes, toutes les hordes,
soit celles qui délibèrent, soit celles qui égorgent : républicains, pétitionnistes,
novateurs, brissotins, philosophistes, écrivent, discutent, aiguisent des
poignards, distribuent des cartouches, donnent des consignes, se heurtent, se
croisent, augmentent le tarif des délations, des crimes, des libelles et des poisons…
Si ces factieux osent prononcer la déchéance du roi, ils osent le juger ; et
s’ils le jugent, il est mort ! Mort ! entendez-vous, lâches et
insouciants Parisiens… »
     
    La mort est donc là. Louis la voit. Elle le saisira dans
quelques heures, quelques jours, quelques mois. Mais il est depuis si longtemps
persuadé que son destin tragique est écrit et qu’il ne peut le changer, que ces
dernières heures avant le 10 août ne le surprennent pas.
    L’Assemblée erre, hésite, condamne ceux qui pétitionnent
pour la déchéance du roi, et plus tard décide que les régiments de Suisses
devront quitter Paris pour se rendre aux frontières, ce qui signifie, ouvrir
les portes des Tuileries, livrer le roi aux émeutiers.
    Et ceux-ci ne sont pas les meilleurs du peuple de Paris. Les
purs patriotes se sont enrôlés pour aller combattre les Prussiens : quarante
mille jeunes gens en quelques semaines.
    Il reste les boutiquiers, les ouvriers, les vagabonds, les
artisans fanatiques, ceux qui veulent occuper les places, prendre le pouvoir
pour eux-mêmes, laissant faire la guerre aux autres. Ils ne représentent qu’une
faible partie du peuple de Paris.
    Mais ils sont déterminés. Et les femmes si souvent soumises
et humiliées les accompagnent et même les entraînent.
     
    Et cependant, une foule insouciante remplit les
Champs-Elysées. Toutes les boutiques sont ouvertes. On vend dans ces journées
torrides des rafraîchissements. On chante. On danse. On assiste aux spectacles
de pantomimes et de marionnettes.
    Cela étonne un voyageur anglais, Moore, qui a vu les canons
installés sur le Pont-Neuf afin d’interdire aux cortèges sans-culottes venus de
la rive droite et de la rive gauche de se rejoindre.
    Mais, à quelques rues seulement de ce qui sera sans doute un
lieu de combat : « Tout est tranquille dans Paris. On s’y promène. On
cause dans les rues comme à l’ordinaire. Ces gens-là paraissent heureux comme
des dieux… le duc de Brunswick est l’homme du monde auquel ils pensent le moins. »
     
    Mais il y a ceux qui s’apprêtent à donner l’assaut aux
Tuileries si l’Assemblée législative refuse de proclamer la déchéance du roi.
    Et depuis les tribunes de la salle du Manège, ils sont des
centaines à insulter les députés, à les menacer, cependant que d’autres les
attendent à la sortie de l’Assemblée, les entourent, les frappent.
    Et bientôt, il n’y aura plus en séance qu’une minorité de
députés – à peine un peu plus de deux cents, sur sept cent quarante-cinq –

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