Le Peuple et le Roi
des
embuscades, et les égorger. Si sur cent hommes tués il y a dix patriotes, qu’importe ?
C’est quatre-vingt-dix hommes pour dix et puis on ne peut pas se tromper :
tombez sur ceux qui ont des voitures, des valets, des habits de soie, ou qui
sortent des spectacles, vous êtes sûrs que ce sont des aristocrates. »
Ces propos terrorisent les Girondins. Car Marat dénonce
aussi les députés : des hypocrites, des traîtres qui n’ont accepté la
révolution du 10 août que par peur. Mais « ils sont des suppôts du despotisme
et ces traîtres à la patrie machineront éternellement sa perte »…
Roland, ministre de l’intérieur, intervient à l’Assemblée, déclare
la Commune insurrectionnelle illégale. Et les députés votent la dissolution de
la Commune le 31 août. Mais la Commune refuse de plier. Elle est le pouvoir de
fait. C’est elle qui est la voix du patriotisme qui enflamme les sans-culottes,
car la patrie est en danger. Alors que Roland, et les ministres girondins – Clavière,
Servan – veulent toujours fuir à Blois, Danton s’écrie :
« Une partie du peuple va se porter aux frontières, une
autre va creuser des retranchements et la troisième avec des piques défendra l’intérieur
des villes… »
Et c’est au son du canon et des tambours, que les jeunes
gens s’enrôlent en chantant :
Mourir pour la patrie
Est le sort le plus beau
Le plus digne d’envie.
32
Ce 1 er septembre 1792, et alors que les
volontaires parisiens marchent vers les frontières, on dit à Paris que les
Prussiens ont investi la ville de Verdun.
Si elle tombe entre leurs mains, la route de Paris sera
ouverte, et le duc de Brunswick a répété que la ville sera soumise à « une
exécution militaire » et qu’on égorgera tous les patriotes, que ce sera « la
Saint-Barthélemy des sans-culottes ».
Ils se sont rassemblés aux carrefours.
Les femmes entourent les porteurs de sabres et de piques.
Un homme monté sur la borne brandit une brochure, qu’on
distribue : « Grande trahison de Louis Capet. Complot découvert pour
assassiner dans la nuit du 2 au 3 de ce mois tous les bons citoyens. »
On assure que dans les prisons, celle des Carmes, rue de
Vaugirard, à l’Abbaye, près de Saint-Germain-des-Prés, au séminaire
Saint-François, rue Saint-Victor, où l’on entasse des suspects, à la
Conciergerie, à la Salpêtrière, à la Grande et à la Petite Force, rue
Saint-Antoine, à Bicêtre, au sud de Paris, les prêtres réfractaires, les aristocrates,
les Suisses et les assassins détenus sont armés, vont se répandre dans Paris, empêcher
toute défense contre les Prussiens.
On écoute les crieurs de journaux patriotes, L’Ami du
peuple, Les Révolutions de Paris, L’Orateur du peuple de Fréron. Ce dernier,
plus sans-culotte même que le journal de Marat, comme si Stanislas Fréron, fils
de l’ennemi de Voltaire, voulait faire oublier son ascendance et être le plus
pur des patriotes, l’égal de Robespierre et de Camille Desmoulins, dont il fut
le condisciple au collège Louis-le-Grand.
Et les crieurs répètent qu’il faut se porter en armes à l’Abbaye,
en arracher les traîtres et les passer au fil de l’épée. Et quelle folie de
vouloir faire leur procès ! Il est tout fait.
« Vous avez massacré les soldats suisses aux Tuileries,
pourquoi épargnerions-nous leurs officiers, infiniment plus coupables ! Ils
méritent d’être écartelés, comme Louis Capet et sa putain d’Autrichienne. »
Et le même sort doit être réservé aux députés, ces « gangrenés de l’Assemblée ».
Il ne faut faire confiance qu’à la Commune insurrectionnelle et au Comité de
surveillance qu’elle a créé et dans lequel siège Marat !
Et demain s’ouvre le scrutin pour élire les députés à la
Convention !
Élisons des Montagnards, chassons les Girondins ! Vive
la nation !
On patrouille toute la nuit. On contrôle les passants. On
arrête les « suspects ». On boit. On écoute ceux qui disent – et l’Anglais
Moore rapporte leurs propos :
« C’est bien terrible que les aristocrates veuillent
tuer tout le peuple en faisant sauter la ville. »
Un autre ajoute : « Il y a des chefs et des
troupes royalistes cachés dans Paris et aux environs. Ils vont ouvrir les
prisons, armer les prisonniers, délivrer le roi et sa famille, mettre à mort
les patriotes de Paris, les femmes et les enfants de ceux qui sont à
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