Le Peuple et le Roi
Championnet, Lefebvre, Jourdan, Victor, Bemadotte,
Ney, Murat, Soult, Pichegru, Hoche, Gouvion, Brune, Joubert sont élus.
Le général Dumouriez a remplacé le « traître » La
Fayette.
Kellermann, ce vieil officier de cinquante-sept ans, maréchal
de camp en 1788, est promu général en 1792.
Quand, le 27 août, il arrive à Metz, il est accueilli par
les volontaires, au cri de « Ça ira ».
Ces soldats-là, brûlant d’une ferveur patriotique, n’ont
besoin que d’être commandés par des chefs décidés à se battre. Et les officiers
qu’ils viennent d’élire, et ceux qui, d’ancien régime, n’ont pas déserté, sont
résolus à le faire.
Et tous les régiments chantent :
Aux armes, citoyens,
Formez vos bataillons
Marchons, marchons
Qu’un sang impur
Abreuve nos sillons.
Mais, pour l’heure, les Austro-Prussiens de Brunswick après
avoir pris Longwy marchent sur Verdun.
Et les émigrés se moquent de ces « faïences bleues »
— la couleur des uniformes des volontaires français -qu’ils
briseront d’un coup de sabre !
Et au Conseil exécutif, le ministre de l’intérieur Roland
répète que le gouvernement, l’Assemblée doivent quitter Paris pour Blois.
Danton se lève, brandit ses poings, lance de sa voix qui
vibre comme un tambour :
« Avant que les Prussiens entrent dans Paris, je veux
que vingt mille flambeaux fassent de Paris un monceau de cendres ! »
À la Commune, à l’Assemblée, il attaque les Girondins, ces
ministres « rolandistes » qui sont saisis par la peur.
Il faut sauver la patrie.
« Quand un vaisseau fait naufrage, s’écrie Danton, l’équipage
jette à la mer ce qui l’exposerait à périr, de même tout ce qui peut nuire à la
nation doit être rejeté de son sein. »
Danton incite les commissaires, dans les départements, à
user de leurs pleins pouvoirs.
À Paris, les visites domiciliaires, les perquisitions, les
arrestations se multiplient. Trois mille suspects sont jetés en prison, et même
si la plupart d’entre eux seront libérés, la peur se répand. Mais personne ne
proteste.
On n’entend plus qu’une seule voix puisque la presse
royaliste a été interdite. Et les journaux demandent aux citoyens de jurer
comme les Jacobins de purger la terre du fléau de la royauté. Et ils incitent
les Parisiens à participer aux travaux de défense entrepris de Clichy à Montmartre.
On creuse des tranchées, on chante :
Veto-femelle avait promis
De faire égorger tout Paris
Ses projets ont manqué
Grâce à nos canonniers
Dansons la carmagnole
Vive le son, vive le son
Dansons la carmagnole
Vive le son du canon !
Veto-le-mâle avait promis
D’être fidèle à son pays
Mais il y a manqué
Le fourbe est encagé.
Mais les Prussiens sont aux portes de Verdun, et l’inquiétude
nourrit l’exaltation patriotique.
Le 27 août, un long cortège parti de la place de l’Hôtel-de-Ville
traverse Paris, jusqu’aux Tuileries où sur le grand bassin on a construit une
pyramide granitique.
Il faut célébrer, à la manière antique a proclamé la Commune,
les funérailles des morts du 10 août. On lit sur les bannières :
Pleurez, épouses, mères et sœurs
La perte des victimes immolées par les
traîtres
Nous jurons, nous, de les venger !
Se venger, se défendre, c’est l’obsession de Marat.
Il hante l’Hôtel de Ville, interpelle les délégués des
quarante-huit sections de Paris qui constituent la Commune insurrectionnelle.
Il s’adresse à Barbaroux, l’avocat secrétaire de la Commune
de Marseille, qui a accompagné les fédérés marseillais dont le rôle a été
décisif dans la prise des Tuileries le 10 août. Ce sont eux qui ont
contre-attaqué, après l’assaut victorieux des Suisses.
« Donnez-moi, lui dit Marat, deux cents Napolitains
armés de poignards et portant à leur bras gauche un manchon en guise de
bouclier : avec eux je parcourrai la France et je ferai la révolution. »
Il faudrait, ajoute-t-il, supprimer deux cent soixante mille
hommes, mesure d’humanité qui permettrait de sauver la patrie et des millions
de citoyens.
« L’Assemblée nationale peut encore sauver la France, continue-t-il ;
il lui suffira de décréter que tous les aristocrates porteront un ruban bleu et
qu’on les pendra dès qu’on en trouvera trois ensemble. »
Il parle d’une voix posée, les yeux fixes, comme ceux d’un
prophète qui voit, qui sait, qui dit : « On peut aussi tendre
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