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Le Peuple et le Roi

Le Peuple et le Roi

Titel: Le Peuple et le Roi Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Max Gallo
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Normandie, Jean Cottereau, dit Jean
Chouan, qui avec ses trois frères se livrait à la contrebande du sel, gagne la
forêt. On se rassemble autour de lui, on se reconnaît en poussant le cri du
chat-huant. On s’apprête à attaquer les gendarmes, à défendre les prêtres réfractaires.
    Et les nouvelles de ces résistances accroissent la peur et
la mobilisation dans ces quartiers de Paris – les faubourgs, le centre, le
Théâtre-Français, les portes Saint-Denis et Saint-Martin – où fermente l’esprit
sans-culotte, autour des sections des Quinze-Vingts, des Piques, du
Théâtre-Français.
    On s’arme.
    Les fers des grilles des Tuileries sont transformés en « piques
citoyennes ». On croit que huit cents hommes de la « ci-devant »
garde royale sont prêts à fondre sur Paris, pour y massacrer les patriotes.
    On crie à la trahison quand on apprend, le 23 août, que
Longwy est tombé aux mains des Prussiens. On s’insurge contre ces députés, ces
Girondins, ce ministre Roland, ces militaires qui envisagent de quitter Paris, qui
s’affolent à l’idée que les Prussiens ne sont qu’à quelques jours de marche de
la capitale, et qu’ils mettront à exécution les menaces annoncées dans le Manifeste
de Brunswick.
     
    Et puis dans Paris, il y a ceux – la plus grande partie de
la population – qui continuent de vivre en subissant les événements sans y
participer.
    Ceux-là ne se sont mêlés ni au cortège du 10 août, ni aux
combats des Tuileries, ni aux tueries.
    « Le massacre ne s’étendit guère hors du Carrousel et
ne franchit pas la Seine, écrit un témoin. Partout ailleurs je trouvai la
population aussi tranquille que si rien ne s’était passé. Dans l’intérieur de
la ville, le peuple montrait à peine quelque étonnement ; on dansait dans
les guinguettes. Au Marais où je demeurais alors, on n’en était qu’à soupçonner
le fait, comme à Saint-Germain. On disait qu’il y avait quelque chose à Paris, et
l’on attendait impatiemment que le journal du soir dît ce que c’était. »
    Mais d’autres sont stupéfaits.
    « La journée du 10 août change toutes les idées, toutes
les opinions des patriotes », écrit un membre du club des Jacobins, garde
national, acteur des événements mais comme un citoyen anonyme qui n’intervient
pas dans les débats, qui observe, à la fois emporté par le souffle
révolutionnaire et inquiet.
    « Nous voilà à recommencer, dit-il, c’est une nouvelle
Révolution qui annule celle de 1789. Il paraît décidé que la royauté sera
abolie, qu’on créera un régime républicain démocratique. Ce sera encore un
enchaînement de maux et de malheurs dont nous sortirons quand il plaira à Dieu…
Quel changement, Seigneur ! Qu’eût répondu Louis XIV, le 10 août 1715, peu
de jours avant sa mort, si on lui avait dit : “Sire, dans
soixante-dix-sept ans, la monarchie française sera détruite, le règne des
Bourbons sera fini en France ; vous êtes l’antépénultième roi de cette
antique dynastie.” »
    Ce citoyen-là est incertain.
    On arrête des « suspects ». On encercle le
Palais-Bourbon, où sont prisonniers cent cinquante Suisses. Et des
sans-culottes exigent qu’on les leur livre.
    « La Commune du 10 août, écrit ce Jacobin, commence à
faire trembler une partie des habitants de Paris… Les partisans de la
Révolution se divisent en deux classes, ceux de 89 jusqu’au 10 août exclusivement,
et ceux qui datent du 10 août, qui se disent des patriotes par excellence ;
ces derniers font un bruit terrible dans les sections, aux Jacobins même où l’on
commence à se regarder jusqu’au fond de l’âme. Cette société prend une autre
face depuis le 10août… Elle dégénère en tripot démocratique. Quoique j’y
signifie rien et que je veuille y rien signifier, je balance, je ne sais si je
dois y rester ou m’en retirer. »
    Mais il y a la menace étrangère, les Prussiens, les
Autrichiens qui approchent, les émigrés qui marchent à leurs côtés.
    La patrie est en danger. « Un Français doit vivre pour
elle, pour elle un Français doit mourir », chante-t-on.
    Et les tambours battent la générale. On s’enrôle. On entonne
« Aux armes, citoyens, formez vos bataillons ». Les volontaires de
1792 rejoignent les volontaires de 1791
    « Ô sublime élan ! » « On est dans une
atmosphère lumineuse. »
    Les, volontaires élisent les chefs de bataillon, les
officiers. Marceau, Oudinot,

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