Le Peuple et le Roi
avec une fureur maîtrisée qui le glace, ces accusations.
Il n’attaquera pas, pas encore, ces Girondins auteurs de ces
accusations.
Mais le soir, au club des Jacobins, d’une voix coupante, il
dit :
« L’exercice de ces fonctions de président du tribunal
criminel extraordinaire pour juger les auteurs des crimes
contre-révolutionnaires était incompatible avec celles de représentant de la
Commune. Je reste au poste où je suis, convaincu que c’est là que je dois
actuellement servir la patrie. »
On l’acclame.
Il lit l’appel que vient de lancer la Commune :
« Peuple souverain, suspends ta vengeance. La justice
endormie reprendra aujourd’hui tous ses droits. Tous les coupables vont périr
sur l’échafaud. »
Les Jacobins l’ovationnent. « Plus de roi, jamais de
roi », crient-ils.
On a conduit Louis Capet et sa famille au donjon du Temple.
On a entassé toute la famille royale dans une voiture
traînée seulement par deux chevaux qui avançaient au pas, escortée par des
gardes nationaux, crosse en l’air.
On a voulu qu’ils traversent Paris, qu’ils voient les
statues des rois renversées. Et on leur a dit que l’on a même brisé celle de
Philippe le Bel qui est dans Notre-Dame.
« Louis-Néron » est resté impassible.
Marie-Antoinette, cette nouvelle Agrippine, serre contre
elle son fils, et tout au long du trajet, qui a pris plusieurs heures, elle a
reçu en plein visage les insultes, les accusations, cette « putain et son
bâtard ».
Autour d’eux la mort rôde.
Les journaux patriotes l’appellent pour qu’elle frappe.
Dans Les Révolutions de Paris, Robespierre lit :
« La patrie et le despotisme ont lutté ensemble un moment corps à corps. Le
despotisme avait été l’agresseur. Il succombe. Point de grâce, qu’il meure mais
pour ne plus avoir à recommencer avec cette hydre, il faut abattre toutes les
têtes d’un coup. Donnons dans la personne des Bourbons et de leurs complices un
exemple éclatant qui fasse pâlir les autres rois ; qu’ils aient toujours
devant eux et présent à leur pensée le fer de la guillotine tombant sur la tête
ignoble de Louis XVI, sur le chef altier et insolent de sa complice. Frappons
après eux tous ceux dont on lit les noms sur les papiers trouvés dans le
cabinet des Tuileries ; que tous ces papiers nous servent de listes de
proscriptions. Faut-il encore d’autres pièces justificatives ? Qu’attend-on ?
« Mais, inconséquents et légers que nous sommes, nous
passons notre colère sur des bronzes, des marbres inanimés. »
Ce n’est point les statues que l’on doit briser, mais des
têtes que l’on doit trancher.
C’est l’avis de la Commune insurrectionnelle dont Danton est
le maître. Il exige.
Les députés doivent prêter un nouveau serment. Il n’est plus
question de fidélité au roi. La Constitution de 1791 est abolie. Des élections
vont être organisées au suffrage universel aux fins d’élire une Convention
nationale qui, comme aux États-Unis, qui servent de modèle, rédigera une
nouvelle Constitution.
Et d’ici là, les municipalités pourront emprisonner les « suspects »,
effectuer des « visites domiciliaires ». On ne fait plus d’abord
référence à la liberté.
C’est l’an I de l’égalité qui commence.
Et il faut prêter serment à la nation, à l’égalité sainte.
Les prêtres qui s’y refusent, les réfractaires pourront être
aussitôt déportés en Guyane.
Il faut traquer et réduire à l’impuissance les aristocrates
et leurs complices.
À Paris, la Commune fait arrêter six cents suspects qui
rejoignent dans les prisons deux mille personnes qui déjà s’y entassent.
Les femmes et les enfants d’émigrés sont considérés comme
des otages, et leurs biens placés sous séquestre.
Il faut se défendre.
On dit que les armées austro-prussiennes ont pris l’offensive,
appuyées par vingt mille émigrés. Ce même 19 août, La Fayette et vingt-deux
officiers de son état-major, après avoir tenté d’entraîner leurs troupes à
marcher sur Paris, sont passés à l’ennemi.
En Vendée, en Bretagne, en Dauphiné, dans la région du Nord,
dans le Centre, dans le Sud-Ouest, et malgré l’envoi par la Commune
insurrectionnelle et le Comité exécutif de commissaires, on se dresse contre la
révolution du 10 août.
On proclame son attachement au roi, on refuse de s’enrôler, pour
partir aux frontières. Dans le Maine et la
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