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Le Peuple et le Roi

Le Peuple et le Roi

Titel: Le Peuple et le Roi Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Max Gallo
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prendre. »
    C’est un instant d’émotion, mais lorsque Louis lit la lettre
dans laquelle Turgot précise les moyens par lesquels il redressera la situation
des finances du royaume, le roi mesure les difficultés.
    Ce programme implique que l’on coupe dans les dépenses
royales, les libéralités des souverains, et qu’on s’attaque à ces fermiers
généraux qui prélèvent un pourcentage élevé sur les impôts qu’ils recueillent au nom du roi, faisant l’avance des
recettes fiscales au Trésor royal.
     
    Louis approuve, certes, les buts de Turgot : « Point
de banqueroute, point d’augmentation d’impôts, point d’emprunts. »
    Mais le ton qu’emploie Turgot, cette musique philosophique, « encyclopédique »,
lui déplaît.
    « Il faut, écrit Turgot, vous armer contre votre bonté,
de votre bonté même, considérer d’où vient cet argent que vous pouvez
distribuer à vos courtisans, et comparer la misère de ceux auxquels on est
quelquefois obligé de l’arracher par les exécutions les plus rigoureuses, à la
situation des personnes qui ont le plus de titre pour obtenir vos libéralités. »
    Turgot semble même oublier qu’un roi est au-dessus des
hommes, par essence, lorsqu’il écrit :
    « C’est à Votre Majesté, personnellement, à l’honnête
homme, à l’homme juste et bon, plutôt qu’au roi, que je m’abandonne… Elle a
daigné presser mes mains dans les siennes. Elle soutiendra mon courage. Elle a
pour jamais lié mon bonheur personnel avec les intérêts, la gloire et le
bonheur de Votre Majesté. » Louis ne répond pas.
    Le 1 er septembre 1774, il s’installe à Versailles.
Il aménage rapidement ses appartements, avec leurs ateliers, leur belvédère.
    Il laisse agir Turgot, contrôleur général des Finances, et
il a renvoyé les ministres de Louis XV, et le chancelier Maupeou.
    Le 12 novembre, il annule la réforme du chancelier et
rétablit les parlements dans leurs prérogatives.
    Les applaudissements sont unanimes.
    Le peuple imagine que les parlementaires, ces privilégiés
propriétaires de leur charge, sont ses défenseurs.
    L’élite du tiers état, pénétrée par l’esprit des Lumières, voit
les parlements comme des remparts contre le despotisme.
    Et les aristocrates – tel le duc d’Orléans – espèrent, grâce
à eux, limiter l’absolutisme royal et se servir de leur gloire usurpée auprès
du peuple pour se constituer une clientèle populaire, parce qu’on rêve toujours
d’une nouvelle fronde aristocratique contre le roi et l’État.
    « J’avais fait gagner au roi un procès qui durait
depuis trois cents ans, dira Maupeou. Il veut le reprendre, il en est le maître. »
     
    Louis, lui, pense que les parlements vont s’assagir.
    « Je veux ensevelir dans l’oubli tout ce qui s’est passé,
dit-il, et je verrais avec le plus grand contentement les divisions intestines
troubler le bon ordre et la tranquillité de mon Parlement. Ne vous occupez que
du soin de remplir vos fonctions et de répondre à mes vues pour le bonheur de
mes sujets qui sera toujours mon unique objet. »
    Il a l’impression qu’il agit avec habileté, nommant Turgot
et soutenant ses mesures sur la libre circulation des grains, le contrôle des
fermiers généraux, la suppression des corporations, tout en rétablissant les
parlements, et en étendant même les privilèges puisque désormais dans l’armée, nul
ne pourra deve nir officier s’il ne possède quatre quartiers de noblesse !
    D’un côté, avec Turgot, il donne l’apparence qu’une nouvelle
ère commence – et Voltaire et le parti philosophique le louent –, de l’autre, il
conforte les privilégiés sans les satisfaire : dès le 30 décembre 1774, le
duc d’Orléans et les parlementaires ont rédigé des remontrances hostiles au
pouvoir royal.
    Quant aux roturiers ambitieux, qui rêvaient de carrières
militaires, ils n’ont plus d’avenir : les grades d’officiers leur sont
interdits. Place donc à la colère et au ressentiment !
     
    Plus grave encore, les mesures de Turgot sur le libre
commerce des grains interviennent alors que la récolte est mauvaise, entraînant
la hausse des prix du blé et du pain.
    Et commence la « guerre des Farines ».
    Des émeutes éclatent sur les marchés de plusieurs villes de
la Brie.
    Elles gagnent la Champagne, la Bourgogne et la Normandie, Dijon
et Rouen. On s’en prend pour la première fois au roi.
    « Quel foutu règne ! »

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