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Le Peuple et le Roi

Le Peuple et le Roi

Titel: Le Peuple et le Roi Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Max Gallo
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veut
rien.
    On ne fait plus confiance à Turgot :
    Est-ce Maupeou tant abhorré
    Qui nous rend le blé cher en France
    Est-ce le clergé, la finance ?
    Des Jésuites est-ce la vengeance ?
    Ou de l’Anglais un tour falot ?
    Non, ce n’est point là le fin mot
    Mais voulez-vous qu’en confidence
    Je vous le dise… c’est Turgot.
    Et le roi reçoit des menaces.
     
    Pourtant cette situation paraît favorable aux privilégiés, en
dressant contre le pouvoir royal réformateur le peuple.
    C’est jouer avec le feu, prévoit le marquis de Mirabeau, dont
la vie chaotique, mêlant débauche, duels et écrits politiques, a aiguisé la
lucidité.
    « Rien ne m’étonne, note-t-il, si ce n’est l’atrocité
ou la sottise de ceux qui osent apprendre à la populace le prix de sa force. Je
ne sais où l’on prend l’opinion qu’on arrêtera la fermentation des têtes. »

5
    Louis connaît l’opinion du marquis de Mirabeau.
    Il a vu les émeutiers piller et saccager les boulangeries de
Versailles. Il a entendu leurs cris remplir la cour du château. Et cependant, maintenant
que la guerre des Farines s’achève, que l’ordre est rétabli partout, il a le
sentiment qu’il a été capable de maîtriser les troubles.
    Il a seul, alors que Turgot était à Paris, fait face à l’émeute, mobilisé les troupes autour
du château de Versailles.
    Il a été vraiment roi.
    Il se persuade que rien ne pourra mettre en danger cette
monarchie millénaire dont il est l’incarnation.
     
    Il se sent bien à Versailles. C’est sa demeure. Il éprouve
toujours le même plaisir à chasser, à travailler sur son tour à bois, ou à forger.
    Et, nouveau divertissement, il accompagne Marie-Antoinette
au bal. Il l’ouvre même vêtu en Henri IV, le souverain auquel souvent on le
compare. Et il aime cette référence.
    Seul agacement, seule inquiétude, en ces jours tranquilles d’après
la guerre des Farines, le comportement de la reine. Elle s’attarde, entourée de
jeunes nobles, jusqu’à plus de trois heures du matin, à l’Opéra, où elle danse
le quadrille, avec ces « têtes légères », le comte d’Artois, ou le
duc de Lauzun, ou Guines l’ambassadeur de France à Londres, dont on dit qu’il est
une créature du duc de Choiseul, le vieux premier des ministres de Louis XV qui
rêve – avec l’appui de la reine – de gouverner à nouveau.
    Et les ragots se répandent, accusant la reine de frivolité, même
d’infidélité et de goût de l’intrigue.
     
    C’est aussi cela qui accroît « la fermentation des
esprits ». Pour l’étouffer, il faut réaffirmer le caractère sacré du roi, le
lien personnel qu’il entretient avec Dieu, et que le sacre à Reims manifeste.
    Telle est la certitude, la croyance de Louis XVI.
    Et c’est pourquoi il refuse de se faire sacrer à Paris, comme
le demandent les « esprits éclairés » qui invoquent les économies qui
seraient ainsi réalisées.
    De même, il ne peut renoncer au serment d’exterminer les
hérétiques que le roi doit prononcer.
    Il rejette la formule que lui a proposée Turgot, et qui ne
serait que la manifestation du ralliement du roi à l’esprit de tolérance.
    Turgot voudrait que le roi proclame : « Toutes les
Églises de mon royaume peuvent compter sur ma protection et sur ma justice. »
    « Je pense qu’il y a moins d’inconvénient à ne rien
changer », dit Louis à Turgot.
    Louis croit, comme l’abbé de Beauvais l’a prêché devant la
Cour, lors du carême, que « depuis que les principes sacrés de la foi ont
été ébranlés, c’est l’ébranlement général de tous les autres principes ».
    Et c’est la secte philosophique, la secte maçonnique, et
toutes les sociétés de pensée, et les volumes de l’ Encyclopédie et les
œuvres de Voltaire, qui sont responsables de cette mise en cause des principes
sacrés de la foi.
    Et Louis ne cédera pas, même s’il doit biaiser, manœuvrer, face
à l’esprit des Lumières tout-puissant dans les salons et les gazettes.
    Il peut utiliser un Turgot, voire demain un Necker, mais il
ne recevra pas à la Cour le vieux Voltaire, qui rêve, avant de mourir, de
rentrer à Paris et d’être présenté au roi.
    Et que Voltaire écrive : « Je ne m’étonne point
que des fripons, engraissés de notre sang, se déclarent contre Turgot qui veut
le conserver dans nos veines », ne sert guère, aux yeux du roi, le contrôleur
général des Finances. Au contraire, il le rend

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