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Le Peuple et le Roi

Le Peuple et le Roi

Titel: Le Peuple et le Roi Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Max Gallo
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l’Angleterre, et dans quelques jours ils se choisiront pour « doyen
des Communes » l’astronome Jean Sylvain Bailly, député de Paris.
     
    Louis observe, interroge, écoute.
    La reine, le comte d’Artois – les princes – répètent que le
tiers, en refusant de vérifier isolément les pouvoirs de ses membres, en
demandant aux autres ordres de le rejoindre, s’est mis en état de « sédition ».
Le tiers état veut briser la division en ordres.
    Il appelle les députés de la noblesse et du clergé à le
rejoindre. Il refuse toutes les « transactions ». Il faut donc « le
réduire à l’obéissance ».
    Mais comment ?
    Louis mesure le danger pour le pouvoir royal.
    Suffit-il de s’appuyer sur les ordres privilégiés qui, dans
leurs salles séparées, ont décidé de vérifier, chacun pour soi, les pouvoirs de
leurs députés ?
    Mais quarante-sept nobles s’y sont opposés (contre cent
quarante et une voix pour) et le clergé est profondément divisé : cent
quatorze voix pour rejoindre le tiers, constituer une Assemblée unique, et une
courte majorité de cent trente-trois voix pour le maintien de la séparation. Des
délégations du tiers état s’en vont tenter de convaincre les « curés »
de rejoindre les « Communes ».
    Et ce « bas clergé » est tenté. Il ose se dresser
contre les prélats : « Les curés de village s’ils n’ont pas les
talents des académiciens ont du moins le bon sens des villageois », dit l’un,
s’adressant à l’abbé Maury, membre de l’Académie française.
    « Ici, Messeigneurs, dit un autre, nous sommes tous
égaux. »
    Et l’abbé Grégoire, « ami des Noirs », célèbre par
son Mémoire sur l’émancipation des Juifs , réunit autour de lui, chaque
soir, « soixante curés », patriotes.
     
    Et Paris bouillonne, du Palais-Royal au faubourg
Saint-Antoine.
    Des témoins, pourtant « patriotes », s’inquiètent
de la violence des propos qui sont lancés.
    On réclame un « carcan sur le Pont-Neuf pour l’abbé
Maury ».
    On compte sur ses doigts les ennemis de la nation : « deux
altesses royales, trois altesses sérénissimes, une favorite… »
    Il s’agit des frères du roi, du prince de Condé, du duc de
Bourbon, du prince de Conti, et de Madame de Polignac. Et naturellement, la
reine est fustigée, couverte d’injures. Le libraire Nicolas Ruault 1 ,
éditeur de Voltaire, esprit éclairé, patriote, s’inquiète : « Si la
haine fermente quelque temps encore dans le peuple contre les ordres
privilégiés, si l’autorité ne vient pas la calmer ou l’éteindre, il est à
craindre que la partie du peuple sans propriété, que cette multitude sans
existence civile, sans principes moraux et qu’il est si facile de mettre en
mouvement, qui s’y met souvent d’elle-même sur les moindres propos qu’ils
entendent au coin des rues et des carrefours, dans les halles et les marchés
publics, ne coure de château en château, tout piller et tout détruire.
    J’ai déjà entendu ces menaces de la populace de Paris dans
des groupes qu’on voit se multiplier chaque jour. » Et Nicolas Ruault
ajoute : « Il est fort à souhaiter que le souverain intervienne avec
son autorité pour donner la paix à cette assemblée d’hommes libres… »
    Mais à la fin mai, les États généraux ne sont pas encore une
Assemblée unique.
    Les trois ordres restent sur leurs positions et lorsque le
roi propose des « conférences de conciliation », entre les ordres, le
tiers qui craint un piège refuse.
    Mirabeau a plaidé qu’en restant immobile le tiers est « formidable
à ses ennemis ».
    Et le roi est las, désespéré.
    Tout se mêle en lui, la déception de voir son peuple se
diviser et se rebeller, et chaque jour de constater que la mort envahit le
corps du dauphin.
     
    On a transporté l’enfant à Meudon, dans l’espoir qu’il y
respire un air plus pur qu’à Versailles.
    Louis se rend quotidiennement à son chevet, et c’est comme s’il
avait devant lui, devant son fils mourant, la preuve de son impuissance.
    Le dauphin meurt le 4 juin.
    Selon l’étiquette, les souverains ne peuvent accompagner
leur fils jusqu’à Saint-Denis.
    Ils s’installent à Marly, terrassés par le chagrin, désireux
de se recueillir.
    Mais Louis ne peut ignorer les événements.
     
    Les troubles continuent. On pille des greniers à blé.
    Le comte d’Artois, la reine, leurs proches, harcèlent le roi
quand ils apprennent

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