Le Peuple et le Roi
liberté.
On respecte le roi. Mais on condamne le despotisme. On
réclame une Constitution.
Plus d’intendants, de subdélégués, ces agents du despotisme,
ces leveurs d’impôts !
Plus de privilèges. « La nation et le roi. »
Ces assemblées ont élu 1139 députés : 291 du clergé (parmi
lesquels 208 curés et l’évêque d’Autun Talleyrand) ; 270 de la noblesse – mais
90 sont des libéraux » : le duc de La Rochefoucauld, La Fayette –, dont
154 militaires ! Et 578 du tiers état, dont la moitié sont avocats – ainsi
Robespierre –, hommes de loi, notaires, des savants et écrivains – Bailly, Volney
–, 11 sont nobles tel Mirabeau, et 3 prêtres tel Sieyès…
Parmi les nobles, au grand scandale de Louis et de
Marie-Antoinette un prince du sang s’est fait élire : le duc Philippe d’Orléans.
Le roi, Necker, les aristocrates, les patriotes examinent ce
millier d’élus dont la plupart sont des inconnus.
La majorité d’entre eux – si l’on ajoute aux députés du
tiers les nobles libéraux et les curés – sont favorables aux réformes, influencés
par les idées du parti patriote.
Mais cette majorité pourra-t-elle se manifester ?
Il faudrait que les mille cent trente-neuf députés
délibèrent dans la même salle, forment une assemblée unique, et votent par « tête »
et non par ordre.
Et ces hommes seront soumis au grand vent des événements, des
émotions et des révoltes dans les campagnes et les rues.
Et à la fin du mois d’avril, la tempête souffle à Paris.
La ville est parcourue depuis des semaines par des bandes de
pauvres, de vagabonds, d’artisans et de compagnons sans emploi.
Les « mouches » rapportent des propos inquiétants
de femmes qui ne peuvent plus acheter le pain trop cher.
« Il est indigne de faire mourir de faim le pauvre, dit
l’une. On devrait aller mettre le feu aux quatre coins du château de Versailles. »
Un agent du lieutenant général de police souligne que « la
maréchaussée est découragée, la résolution du peuple est étonnante ; je
suis effrayé de ce que j’ai vu et entendu… Le peuple affamé n’est pas loin de
risquer la vie pour la vie ».
Et ce qui se passe à Paris est comme l’exacerbation de ce
qui a lieu dans les provinces.
Ici, « les laquais eux-mêmes dévorent les pamphlets à
la porte des palais », et « le peuple s’est follement persuadé qu’il
était tout et qu’il pouvait tout, vu la prétendue volonté du roi sur l’égalité
des rangs ».
Et il suffit, rue du Faubourg-Saint-Antoine, le samedi 25
avril, que la rumeur se répande que Reveillon, électeur, patriote, fabricant de
papier peint a dit : « Un ouvrier ayant femme et enfant peut vivre avec
quinze sous par jour », pour qu’on le brûle en effigie. On crie qu’il faut
« mettre tout à feu et à sang chez lui ». Et l’on s’en prend aussi à
Henriot, fabricant de salpêtre, qui aurait approuvé ce propos.
Peu importe que Reveillon soit un ancien ouvrier, qu’il
donne vingt-cinq sous par jour à ses trois cent cinquante ouvriers, qu’il les
paie même en période de chômage, la révolte déborde.
La foule se rassemble faubourg Saint-Antoine, faubourg
Saint-Marceau.
On brise, on pille, on incendie la maison d’Henriot, parce
que la maison de Reveillon est protégée.
Le mardi 28, les manifestants sont des milliers, menaçants, retenant
les carrosses, insultant leurs occupants, les contraignant à crier : « Vive
le tiers état ! » Le carrosse de Philippe d’Orléans est arrêté. Le
duc, acclamé, offre sa bourse, et lance :
« Allons mes amis du calme, de la paix, nous touchons
au bonheur. »
Mais la maison de Reveillon est envahie, saccagée par un
millier de pillards, qui détruisent et volent, sous les regards d’une foule de
cent mille personnes, qui gênent les mouvements des troupes, cavaliers du
Royal-Cravate, gardes françaises, gardes suisses, accueillis par des volées de
tuiles, de pavés.
Les incendiaires résistent, entraînent la foule dans leurs
affrontements avec les troupes, qui chargent, ouvrent le feu. On relève
plusieurs centaines de blessés, et l’on dénombre près de trois cents morts, certains
témoins évoquent neuf cents victimes. Et les rapports du lieutenant général de
police, vingt-cinq.
En cette fin du mois d’avril 1789, à la veille de l’ouverture
des États généraux, Paris est ensanglanté. Et le dauphin va
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