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Le Peuple et le Roi

Le Peuple et le Roi

Titel: Le Peuple et le Roi Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Max Gallo
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avec la famille royale, peut-être leur dernière
manifestation de la splendeur du rituel de l’autorité monarchique.
    Et il dépend de son discours, des conséquences qu’il aura, que
ce qu’il craint ne se réalise.
    Et tout en étant décidé à affronter son destin, il a peur qu’il
ne soit déjà tracé, et qu’un discours ne puisse pas arrêter la roue qui tourne
inexorablement.
     
    Lorsqu’il entre à une heure de l’après-midi, dans la salle
des Menus-Plaisirs, ce 5 mai, accompagné de la reine qui prendra place à sa
droite, et des ministres qui s’installeront derrière lui, il sait que les
députés sont là depuis huit heures du matin, pour répondre à l’appel de leur
nom.
    Les députés du clergé et de la noblesse sont assis sur les
côtés droit et gauche de l’immense salle, ceux du tiers forment une masse vive,
au fond face au roi. Son trône, placé sur une estrade, est surmonté d’un dais
violet aux fleurs de lys d’or.
     
    Louis commence à lire d’une voix ferme, presque rude.
    Il veut affirmer son pouvoir souverain, fixer des bornes à
ce mouvement qui l’a emporté jusqu’ici, à ces députés qui en sont l’expression.
    « Une inquiétude générale, un désir exagéré d’innovations,
dit-il, se sont emparés des esprits et finiraient par égarer totalement les
opinions, si on ne se hâtait de les fixer par une réunion d’avis sages et
modérés… Les esprits sont dans l’agitation mais une assemblée de représentants
de la nation n’écoutera sans doute que les conseils de la sagesse et de la prudence. »
    Le discours du garde des Sceaux est à peine écouté, et celui
de Necker tant attendu déçoit. Le ministre si populaire parle longtemps, sa
voix s’épuise. Il fait lire la conclusion de son discours.
    On applaudit, certes, on crie « Vive le roi ! »,
et on acclame même la reine.
     
    Dans l’entourage du roi, on se rassure : même Necker a
paru admettre l’existence des trois ordres, et ni le roi ni ses ministres n’ont
fait allusion à une Assemblée unique, à une Constitution, ni naturellement au
vote par tête.
    Louis se tait, mais il a la certitude que rien n’est joué.
     
    Il lui suffit de lire ce nouveau journal, dont les crieurs
lancent le titre dans les rues, le Journal des États généraux, publié
par Mirabeau, pour savoir que le tiers état ne renoncera pas à obtenir le vote
par tête, et la délibération en Assemblée unique et non par ordre.
    Mirabeau critique Necker, les « longueurs
insupportables de son discours, ses répétitions sans nombre, ses trivialités
dites avec pompe »…
    Il faut faire taire Mirabeau, dit Necker, interdire ce Journal
des États généraux. C’est fait le 7 mai. Mais Mirabeau change de titre, publie Une lettre du Comte de Mirabeau à ses commettants, et écrit : « Vingt-cinq
millions de voix réclament la liberté de la presse et la Nation et le Roi
demandent unanimement le concours de toutes les lumières et un ministre
soi-disant populaire ose effrontément mettre le scellé sur nos pensées, privilégier
le trafic du mensonge… Non, Messieurs ! »
    Et l’on sait que pour Mirabeau, Necker n’est qu’un « charlatan,
un roi de la canaille », mais comment empêcher la parution de son journal,
alors que Brissot lance Le Patriote français , et que d’autres feuilles
paraissent ?
    C’est sous la surveillance des journaux que vont se dérouler
les débats aux États généraux.
    L’opinion publique, dont ils sont l’écho et qu’ils orientent,
entre dans la salle où délibèrent les députés et elle n’en sortira plus.
     
    On lit avec passion ces journaux, et de nombreux Parisiens
font le voyage de Versailles.
    Ils sont admis sans difficulté dans la salle commune des
États généraux qu’on a laissée au tiers état, l’ordre qui compte le plus de
députés.
    Ils écoutent les leurs qui, par leur talent ou leur
notoriété, s’imposent jour après jour : Mirabeau, Sieyès, Mounier, Barnave.
    Parfois c’est un inconnu qui prend la parole, comme ce
député d’Arras, l’avocat Maximilien Robespierre, qu’on écoute distraitement, lors
de sa première intervention le 18 juin.
    Les deux ordres privilégiés se sont retirés dans des salles « séparées »,
où ils siègent à huis clos, marquant ainsi leur volonté de refuser l’« Assemblée
unique » au moment où les députés du tiers choisissent de se nommer « Communes »
à l’imitation de

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