Le Peuple et le Roi
entrepreneur de menuiserie vit dans sa maison de la rue
Saint-Honoré, entouré de sa femme, de ses trois filles et de son fils.
« Nous aimons Maximilien comme notre frère », dit
l’une d’elles, Élisabeth.
En fait, on l’admire, on le vénère. Un député du tiers état,
La Révellière-Lépaux, qui lui rend visite, s’étonne.
« Robespierre recevait des hommages, chez les Duplay, tels
ceux qu’on rend à une divinité… Lui-même, bien peigné et poudré, vêtu d’une
robe de chambre des plus propres s’étalait dans un grand fauteuil devant une
table chargée des plus beaux fruits, de beurre frais, de lait pur et de café
embaumé. Toute la famille, père, mère et enfants cherchaient à deviner dans ses
yeux tous ses désirs pour les prévenir à l’instant. »
Mais Maximilien n’est pas resté caché dans la maison des
Duplay.
Alors que Danton, Camille Desmoulins, Marat, bien d’autres
ont quitté Paris ou se terrent, Robespierre s’est rendu à l’Assemblée dès le 22
juillet, « le teint pâle, les yeux enfoncés, le regard incertain et
farouche ».
Et au début du mois d’août il rédige une Adresse au
Peuple français.
Dans les jours qui suivent, il bénéficie de la reparution
des journaux – comme Le Patriote français de Brissot – qui le
soutiennent.
Car après la peur et la crainte de voir l’Assemblée
poursuivre avec détermination les « républicains », ceux-ci
constatent qu’elle hésite.
Elle a besoin, pour obtenir du roi qu’il approuve la
Constitution révisée, des « patriotes exaltés » qui menacent le
souverain.
Le ciment de l’alliance Barnave – La Fayette -Louis XVI, c’est
la crainte de la « populace », des partageux », des « enragés,
du Palais-Royal », peu respectueux des lois.
Mais Robespierre est prudent comme un chat, et l’on commence
à le comparer à ce félin.
« Nous ne sommes pas des facétieux, dit-il. Si quelqu’un
a osé soutenir qu’il m’a entendu conseiller réellement la désobéissance aux
lois, même les plus contraires à mes principes, je le déclare le plus impudent
et le plus lâche de tous les calomniateurs. »
Mais il est implacable lorsqu’il intervient à la tribune de
l’Assemblée pour dénoncer ceux – Duport, Barnave – qui, pour obtenir l’accord
du roi, acceptent de réviser la Constitution de manière à satisfaire, en partie,
le souverain.
Les mots de Robespierre cinglent ces Feuillants qui, il y a
quelques semaines seulement, étaient encore membres des Jacobins.
« Je ne présume pas, commence Maximilien, qu’il existe
dans cette Assemblée un homme assez lâche pour transiger avec la Cour, un homme
assez perfide, assez ennemi de la patrie, assez imprudent pour oser avouer aux
yeux de la nation qu’il n’a cherché dans la révolution qu’un moyen de s’agrandir
lui-même. »
Le « peuple » des tribunes l’acclame, bravant les
règlements qui, depuis quelques jours, interdisent toute manifestation dans l’enceinte
de l’Assemblée.
Et les approbations redoublent quand, pointant son doigt, Robespierre
ajoute :
« Si, pour avoir le droit de se faire entendre dans
cette Assemblée, il faut attaquer les individus, je déclare, moi, que j’attaque
personnellement Monsieur Barnave et Monsieur Lameth. »
Il les accuse de refuser l’abolition de l’esclavage. Alors
qu’à Saint-Domingue, les esclaves se révoltent. Ces députés qui ont rédigé, imposé
la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen, refusent ces mêmes droits à
des hommes voués à la servitude.
La parole de Robespierre est de plus en plus entendue. Mais
le désir de voir le pays s’apaiser est immense. On rêve d’une entente entre l’ancien
et le nouveau régime, entre le roi et les députés. On souhaite que l’ordre se
rétablisse. Et les intérêts de la Cour et des modérés sont complémentaires. Le
roi accepte donc de prêter serment à la Constitution de 1791.
Le 3 septembre 1791, soixante députés précédés de porteurs
de torches sont venus à pied, depuis la salle du Manège, jusqu’au château des
Tuileries pour présenter au roi la Constitution révisée. Et dès le lendemain, le
roi et la famille royale sont autorisés à sortir de leurs appartements.
Louis et Marie-Antoinette peuvent enfin se rendre à la
chapelle du château pour y entendre la messe.
L’émotion étreint Louis qui ne peut retenir ses larmes, cependant
que la foule toujours
Weitere Kostenlose Bücher