Le Peuple et le Roi
dans
un délai de deux mois, sinon ils seront poursuivis comme conjurés et punis de
confiscation des biens et de mort.
Louis a certes demandé à son frère comte de Provence de
rentrer, tout en sachant bien que celui-ci refusera.
Mais c’est manière de tenter de montrer qu’il n’est pas
complice des émigrés rassemblés en une « armée » à Coblence.
Et il n’a fait qu’appliquer la Constitution en utilisant ce
droit de veto qu’on lui a attribué.
Mais au Palais-Royal, on l’accuse de trahison. Ce veto, écrivent
les journaux patriotes, « est un boulet que l’Assemblée nationale s’est
condamnée à traîner avec elle ».
Et Brissot, à la tribune de l’Assemblée, déclare qu’il faut
sommer les souverains étrangers d’expulser les émigrés.
« Il est temps, dit-il, de donner à la France une
attitude imposante, d’inspirer aux autres peuples le respect pour elle et pour
sa Constitution. »
Louis relit ce discours de Brissot, ces mots qui tonnent, que
reprend un autre député, Isnard, en condamnant les « endormeurs ».
Louis est fasciné et révulsé par la violence des articles du Père Duchesne pour qui les prêtres réfractaires ne sont qu’une vermine, « des
monstres plus cruels et plus féroces que des tigres et dont il faut enfin
purger la terre ».
« … Il n’y a qu’à un beau jour me foutre tous ces
bougres-là sur des navires et les amener à Cayenne… foutre il faut trancher
dans le vif ! »
Louis se souvient des têtes au bout des piques, de cet homme
égorgé dans un fossé, non loin de Châlons-sur-Marne, lors du retour de Varennes.
Ce ne sont donc pas seulement les prêtres réfractaires qui sont condamnés. Le
Père Duchesne désigne aussi à la haine les émigrés.
« Je veux, foutre, qu’on n’épargne pas davantage toute
la foutue canaille des ci-devant.
« Il faut nous emparer de leurs femmes et de leurs
enfants et les foutre à la gueule du canon. Nous verrons, foutre, s’ils sont
assez scélérats pour tirer sur ce qu’ils ont de plus cher et pour se frayer un
chemin sur leurs cadavres. »
Comment Louis, lié à cette noblesse qui est l’ossature du
royaume, lui qui en est l’incarnation et l’expression, qui est leur roi, comment,
monarque de droit divin, pourrait-il accepter de se plier à cette volonté de
détruire et la noblesse et le clergé ?
D’ailleurs, même s’il a prêté serment à la Constitution, on
l’accuse de « grimace et de tartuferie » !
Chaque camp hait l’autre, et craint d’être massacré.
Le Parisien par l’émigré et l’étranger, le noble par le
révolutionnaire enragé !
Le risque est celui de la guerre civile : « Fous
contre fous, enragés contre enragés, oh la belle opposition ! Quelle
maladie grand Dieu. »
Louis murmure :
« L’esprit infernal a pris le dessus en France, le don
de Dieu s’est retiré de nous. »
Et Louis partage le sentiment de Suleau, ce journaliste
royaliste, qui écrit : « Les esprits sont aigris, les cœurs ulcérés, les
vues sont divergentes, les intentions se croisent… La France est désorganisée
dans toutes ses parties. Il est donc urgent de repolicer par des lois
exécutables ce malheureux pays que la simple déclaration des droits de l’homme
a plus décivilisé que ne l’aurait fait une irruption de tous les sauvages du
nord de l’Amérique. »
Il faut agir, accepter, et même susciter la guerre avec les
souverains étrangers. Et puisque, parmi les Jacobins, Brissot, Vergniaud, la
majorité veulent l’affrontement, dans l’espoir, comme le dit Brissot, d’accuser
la Cour de complicité avec l’ennemi, il faut aller dans leur sens.
Brissot dit : « Les grandes trahisons ne seront
funestes qu’aux traîtres. Nous avons besoin de grandes trahisons. »
Soutenons-le.
Prenons garde à Robespierre qui se méfie de la guerre :
« Domptons nos ennemis intérieurs et ensuite marchons contre nos ennemis
étrangers », dit-il.
Retournons le plan de Brissot qui répète : « Voulez-vous
détruire d’un seul coup l’aristocratie, les réfractaires, les mécontents ?
Détruisez Coblence, le chef de la nation sera forcé de régner par la Constitution. »
Et si au contraire la guerre rendait au roi toute sa
puissance ? Et balayait la Constitution ?
Louis écoute Marie-Antoinette, elle-même conseillée par
Fersen. Sa décision est précise : il va se présenter à l’Assemblée
nationale le 24
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