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Le Peuple et le Roi

Le Peuple et le Roi

Titel: Le Peuple et le Roi Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Max Gallo
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décembre, dire qu’il est prêt à sommer l’électeur de Trêves de
disperser, avant le 15 janvier 1792, les émigrés qui se rassemblent dans l’électorat.
    N’est-il pas un bon défenseur de la Constitution et de la
nation ?
    Mais Louis prend la plume et adresse un courrier à Breteuil,
qui dans l’émigration est son représentant.
    Il écrit d’une main qui ne tremble pas, pour exposer ses
objectifs : « Au lieu d’une guerre civile ce sera une guerre
politique, et les choses en seront bien meilleures. L’état physique et moral de
la France fait qu’il lui est impossible de soutenir une demi-campagne… Il faut
que ma conduite soit telle que dans le malheur, la Nation ne voie de ressources
qu’en se jetant dans mes bras. »
    Louis est heureux de l’intimité et de la complicité que la
situation, les malheurs, ont fait naître entre lui et Marie-Antoinette.
    C’est elle qui lui demande d’écrire au roi de Prusse. Et le
canevas de la lettre a été préparé par Fersen.
    « Un congrès des principales puissances de l’Europe
appuyé d’une force armée serait la meilleure manière pour arrêter ici les
factieux, donner les moyens de rétablir un ordre plus désirable et empêcher que
le mal qui nous travaille puisse gagner les autres États de l’Europe. »
     
    Mais Louis est inquiet. Il craint l’un de ces sursauts du
peuple qui l’ont tant surpris depuis trois ans.
    Ce Robespierre a été élu accusateur public à Paris. Pétion a
été, lui, élu maire de Paris. Il est vrai par six mille sept cent vingt-huit voix
pour un corps électoral de quatre-vingt-deux mille citoyens actifs et une
population parisienne de plus de six cent mille habitants !
    De quoi est capable ce peuple immense, et dont les citoyens
les plus éclairés, les plus aisés, au lieu de choisir des Feuillants élisent
des Jacobins ?
    Louis lit avec attention ces prophéties de Robespierre :
    « Malheur à ceux qui n’immoleront pas au salut public l’esprit
de parti, leurs passions et leurs préjugés même… Car nous touchons à une crise
décisive pour notre révolution. »
     
    Louis partage ce sentiment.
    Il a choisi – mais y avait-il une autre route ? – de
soutenir la marche à la guerre, mais l’affrontement n’existait-il pas déjà à l’intérieur
des frontières ?
    « Guerre politique au lieu de guerre civile », a-t-il
écrit. C’était le seul parti possible à moins d’être lâchement soumis à l’Assemblée ;
aux enragés du Palais-Royal.
    Et cela il ne le peut pas.
    Il reste à espérer.
     
    Il a pris connaissance de la lettre que Marie-Antoinette
vient, ce 9 décembre 1791, de faire parvenir à Fersen : « Je crois, écrit
la reine, que nous allons déclarer la guerre non pas à une puissance qui aurait
les moyens contre nous, nous sommes trop lâches pour cela, mais aux électeurs
et à quelques princes d’Allemagne, dans l’espoir qu’ils ne pourront pas se
défendre. Les imbéciles ne voient pas que, s’ils font une telle chose, c’est
nous servir, parce que enfin il faudra bien, si nous commençons, que toutes les
puissances s’en mêlent pour défendre les droits de chacun. »

27
    Louis s’est affaissé dans son fauteuil, face à la cheminée
de ce petit salon des Tuileries où il a l’habitude de se tenir en fin de
journée.
    Il ferme les yeux. Il somnole. Il voudrait s’endormir mais l’angoisse
le tenaille. Et il en est ainsi depuis le début de cette année 1792.
     
    Chaque jour, un événement, ou bien un discours, un article, une
lettre, le propos d’un proche ou d’un visiteur, a rendu plus aigu, plus
insoutenable le pressentiment que les mois à venir seraient ceux de l’affrontement
décisif entre lui et ces « patriotes » enragés pour qui il n’est plus
que Monsieur Veto.
    On le dit prêt « à faire égorger les citoyens, leurs
femmes et leurs enfants par tous les ministres d’outre-Rhin ».
    Ils accusent Marie-Antoinette, Madame Veto, d’avoir créé un « cabinet
autrichien » aux Tuileries, afin de transmettre des inf ormations à
son frère l’empereur Léopold II, et, après le décès de celui-ci, à François II
son neveu.
    On assure que la reine fait passer à Vienne le plus d’argent
qu’il est possible. Et c’est, à en croire les journaux patriotes, un ouvrier
ayant confectionné les cassettes, puis aménagé des cachettes dans les berlines,
qui l’a révélé secrètement.
     
    Louis a ainsi le sentiment que le

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