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Le piège de Dante

Le piège de Dante

Titel: Le piège de Dante Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Arnaud Delalande
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avant l’aube. On avait entendu s’échapper de la Libreria des hurlements lugubres et, au détour d’une berge, l’un des Seigneurs de la nuit patrouillant dans le quartier s’était rendu compte qu’il piétinait dans le sang, le sang de ces soldats laissés par la Quarantia en faction devant la villa de Canareggio. Depuis le début de la soirée, tout avait très mal commencé. Pietro se remettait difficilement de la mort subite de Giovanni Campioni. Pavi et le sénateur avaient longtemps tergiversé pour savoir s’il fallait se rendre à cette mystérieuse invitation au cimetière de Dorsoduro. C'était le sénateur lui-même qui avait insisté, espérant par là offrir aux hommes de la Criminale une chance d’identifier l’un ou plusieurs des Oiseaux de feu. Mais il s’était produit ce que Pietro redoutait par-dessus tout, un autre meurtre, celui du Sixième Cercle – et Campioni avait été jeté dans la tombe comme hérétique et apostat, pour avoir envisagé une autre façon de conduire les affaires publiques. Connaissant le cynisme habituel de la Chimère et son goût pour le spectacle, Pietro savait que cette entrevue nocturne était une folie. Aucun argument n’avait suffi à dissuader le sénateur, encore bouleversé par le souvenir de Luciana et son désir de la venger. Un carreau d’arbalète, tiré sans doute de l’ altana d’une villa toute proche, surplombant le cimetière, avait mis un terme à sa vie, sans autre forme de procès. Mais qu’y avait-il donc à espérer? rageait Pietro. Le sénateur ne s’était ouvert que tardivement à Pavi du message qu’il avait reçu, alors même qu’il avait déjà pris sa décision et s’apprêtait à gagner le cimetière. Il avait fallu improviser à un moment où la plupart des agents et des forces de police étaient lancés sur la piste d’Andreas Vicario. Et, malgré toutes leurs précautions, Pavi et ses auxiliaires n’avaient pas eu le temps suffisant pour procéder à un maillage efficace de Dorsoduro. Ils n’avaient pu, ni prévenir un tir isolé, ni en identifier la provenance avant que l’assassin se fût enfui tranquillement. En somme, la détermination de Campioni s’était retournée contre lui, son impulsivité avait achevé de le conduire vers la mort; mais en l’absence de l’Orchidée Noire, Pavi avait commis une grave erreur en décidant de le suivre plutôt que de l’empêcher de se rendre au cimetière. Lui aussi avait été victime de sa curiosité, et de la nécessité d’agir. Il aurait fallu, au contraire, retenir le sénateur, quitte à employer la force. Mais il était plus facile d’en venir à cette conclusion a posteriori. Peut-être Pietro, en de telles circonstances, aurait-il agi de la même manière. Apparemment, l’attitude de Giovanni Campioni, à ce moment-là, n’avait laissé place ni au doute ni à la contradiction. Toujours est-il que les choses étaient loin de s’arranger, et si Pietro, tout autant que les Neuf et la Quarantia , voyaient décuplées leur hargne et leur volonté de revanche, ils doutaient de tomber dans la Libreria de Vicario sur une heureuse nouvelle. La honte était sur eux et là encore, on pouvait craindre le pire.
    Au moins Ottavio était-il sorti du jeu. De son côté, Viravolta avait raconté l’épisode de Santa Croce à Pavi, qui en avait immédiatement avisé le Doge. Débordé – et désabusé – celui-ci n’avait pu se résoudre à aucune instruction, tout entier absorbé qu’il était par l’imminence de la Sensa, qui maintenant prenait le pas sur toute autre considération.
    On en était là lorsque le Seigneur de la nuit, dans son manteau noir, leva la lanterne devant son visage masqué pour voir celui de Pietro. Pavi était resté au palais, mais un nouveau détachement de soldats accompagnait Viravolta. Celui-ci, à l’angle de la villa, aperçut une silhouette penchée sur un amoncellement de corps. Il crut reconnaître, l’espace d’un instant, le profil caractéristique d’Antonio Brozzi, le médecin de la Criminale . Les épaules lasses, le dos voûté, la barbiche taillée en pointe, celui-ci plongeait une main dans sa sacoche en jetant un « Mpfh ! » d’usure et de dégoût. On avait dû le réveiller au milieu de la nuit. Pietro revint à l’homme qui tenait la lanterne devant lui. Une pluie fine commençait à tomber.
    — Ils ont tous été tués ?
    — Apparemment. Personne n’est entré ni sorti de la villa depuis que nous les

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