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Le piège de Dante

Le piège de Dante

Titel: Le piège de Dante Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Arnaud Delalande
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dites-le-moi.
    Elle hésita encore. Puis, après un long soupir :
    — Un autre sénateur est venu me voir de temps en temps, dit-elle. Quelqu’un, Viravolta... qui ne vous aime pas beaucoup.
    De nouveau, elle plongea les yeux dans ceux de Pietro.
    — Le sénateur Ottavio.
    Pietro fronça les sourcils.
    Et soudain, plusieurs pièces du puzzle commencèrent de s’assembler. La broche volée, les Oiseaux de feu, les renseignements sur Giovanni Campioni... Et le fait que Pietro ait été de longue date écarté des affaires de la République pour être enfermé aux Plombs... Lui, un gêneur de premier plan...
    — Ottavio... Tiens, tiens... Mon ancien mentor, naturellement...
    Il se tourna vers la belle.
    — Pourquoi ne pas me l’avoir dit plus tôt ?
    Luciana eut un haussement d’épaules.
    — Je protège ceux qui viennent me voir, mon ami. Tous ceux qui viennent me voir. Qu’auriez-vous dit, si c’était votre identité que j’avais trahie, aux yeux d’Octavio ?
    — Ce que vous vous êtes bien gardée de faire, j’espère, dit Pietro en plissant les yeux.
    Elle lui lança un regard appuyé.
    — Allons, Messer Viravolta... Je sais parfaitement où est mon intérêt.
    Un autre point pour elle. Pietro se tut, puis retrouva le sourire. Une drôle d’idée venait de lui traverser l’esprit.
    — Vous savez, Luciana... Vous feriez un bon agent secret... J’en parlerai au Conseil des Dix, si vous le souhaitez.
    Elle reçut la boutade avec un intérêt mitigé.
    — Laissez les Ténébreux où ils sont, et moi où je suis.
    — Il me plairait assez, en tout cas, de jouer à mon tour les recruteurs. Et j’ai pour vous un sobriquet tout trouvé...
    Il regarda les pièces du jeu étalées sur la table basse et se saisit de l’une d’entre elles.
    Le double six.
    — Luciana... J’ai une proposition à vous faire.
    Son sourire s’accentua.
    — Accepteriez-vous d’être ma « Domino » ?

    Deux jours plus tôt, à la nuit tombée, le duc von Maarken avait quitté son château autrichien aux créneaux dentelés. Enveloppé d’un grand manteau noir, il se glissait maintenant comme une ombre au sortir de la gondole qui l’avait amené à Canareggio. Il leva les yeux vers la lune qui disparaissait derrière les nuages. Deux porteurs de flambeaux éclairaient sa marche. Il les suivit en silence jusqu’à l’entrée du bâtiment où il avait rendez-vous. On échangea des mots de passe, puis les portes s’ouvrirent. Enfin, le duc pénétra dans l’entrée du palais. Quelques minutes plus tard, il se trouvait devant une cheminée, un verre de vin à la main.
    La Chimère était assise en face de lui.
    — Le fruit est mûr, dit von Maarken. Depuis Passarowitz, Venise est vulnérable. Où en êtes-vous à présent ?
    — J’accomplis le plan tel qu’il est prévu.
    — Oui, oui... Je vous ai laissé vous amuser et faire à votre manière, mon ami. Mais je doute de l’efficacité de toutes vos fantaisies et de toutes vos grimaces. Ces mises en scène étaient-elles bien utiles? Croient-ils vraiment à vos acrobaties de salon? Une secte diabolique... Pas un responsable sensé ne pourrait accorder le moindre crédit à un ennemi aussi fumeux... Satan et vos pitreries de bibliothèque ont bon dos...
    La Chimère émit un petit rire.
    — Ne croyez pas cela... Nous sommes à Venise, ici. Tous s’affolent. Le Doge et les siens sont désemparés. Nos leurres sont à la mesure de l’enjeu, ils sont perdus et ne savent pas où donner de la tête. La cohérence de notre plan leur échappe encore parce que nous le voulons bien. Oui, je m’amuse, cela est vrai. Et tous plongent dans les rets que je laisse sur mon passage. Ils vont s’y empêtrer jusqu’à ce que nous portions le coup ultime. Alors, vous remercierez Dante et l’imagination de votre serviteur.
    — Une imagination toute italienne, je vous le concède. Vous auriez dû écrire pour le théâtre. Et votre... représentation à Mestre ?
    Il Diavolo rit encore.
    — Avez-vous entendu parler de Carlo Gozzi et de ses Granelleschi ?
    — Pas le moins du monde.
    — On les appelle les Ineptes... Il s’agit, en quelque sorte, d’une académie badine, qui réunit de joyeux lurons férus de belles lettres ; ils se disent ennemis de l’emphase, et prétendent entretenir l’étude des Anciens en préservant « la pureté de l’idiome »... Des Vénitiens cultivés, en vérité. Ils nomment chaque année à leur tête un gogo archiniais , qui veille sur ses

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