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Le Pont de Buena Vista

Le Pont de Buena Vista

Titel: Le Pont de Buena Vista Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Maurice Denuzière
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Murray, enhardi par les libations.
     
    Le lord releva d'un regard courroucé la boutade sibylline de son neveu. Il ne tenait pas à ce qu'on révélât devant un étranger certains secrets de famille.
     
    – Chaque succès anglais, reprit vivement le major, réconfortait ceux qui ne voulaient pas se séparer de la mère patrie et augmentait leur détermination face aux combattants de l'indépendance. Ils auraient voulu que les troupes anglaises reprennent Philadelphie, siège du Congrès, ce que redoutait par-dessus tout George Washington.
     
    – Mais, quand les indépendantistes triomphèrent, que devinrent les adversaires de Washington ?
     
    – Dans ce domaine, les Cornfield en savent sans doute plus long que d'autres, lâcha Edward Carver, laissant les confidences au lord.
     
    – Partout, monsieur Desteyrac, ils furent durement traités par les comités populaires créés dans les villes. L'armée des insurgents logeait dans leurs maisons, réquisitionnait leurs chevaux, leur mobilier, leur bétail, leurs récoltes. Plus tard, on confisqua leurs biens, leurs propriétés, on les obligea à quitter les terres qu'ils avaient défrichées. Beaucoup furent internés, plusieurs trouvèrent la mort au cours des combats ; d'autres furent arrêtés et exécutés. Dès que fut assurée l'autorité du gouvernement de l'Union, beaucoup choisirent l'exil. Plus de quatre-vingt mille loyalistes quittèrent les États-Unis en 1783. Dans la seule journée du 26 avril, que certains membres de notre famille vécurent, ils furent sept mille à sortir de New York, où la vente de leurs biens et propriétés, saisis par les fédéraux, rapporta trois millions six cent mille dollars au nouveau gouvernement. Certains loyalistes de Nouvelle-Angleterre s'installèrent au Canada, d'autres choisirent de rentrer en Angleterre.
     
    – Y furent-ils bien accueillis ? demanda l'ingénieur.
     
    – Pas toujours, car une partie de l'opinion anglaise approuvait l'indépendance des colonies américaines. Enfin, de nombreux propriétaires du Sud préférèrent s'installer avec leurs esclaves aux Bahamas, possession britannique confirmée en 1783, pour fonder des plantations de coton qui, le plus souvent, périclitèrent. Ces nouveaux venus, dont vous côtoyez aujourd'hui les descendants, doublèrent d'un coup la population d'une douzaine d'îles déjà habitées et amenèrent avec eux plus de quatre mille Noirs. La plus forte communauté issue de cette émigration se fixa à Harbour Island, à l'extrémité septentrionale de notre voisine, Eleuthera, au passé édifiant. Ils furent plus de deux mille à s'installer autour du domaine de John Murray, quatrième comte de Dunmore, lointain cousin de notre cher Malcolm, rapporta le lord.
     
    – Mon père possède un portrait de ce parent qui fut gouverneur des Bahamas de 1786 à 1796, après avoir été le dernier gouverneur britannique de l'État de New York, puis de la Virginie, confirma le jeune architecte.
     
    – Il était donc tout indiqué que vous reveniez ici, mon cher. Vous êtes un peu chez vous, persifla le major.
     
    – Il ne subsiste apparemment, chez ces gens restés fidèles à l'Angleterre, aucune rancœur contre les Américains, observa Desteyrac, désireux de compléter ses connaissances.
     
    Lord Simon se servit un grand verre d'eau glacée, qu'il avala d'un trait, puis emplit un petit verre de l'armagnac du Gers qu'un vieil ami français envoyait chaque année à Carver. Tout en chauffant l'alcool entre ses paumes, Simon Leonard reprit son évocation.
     
    – Pas de rancœur ? Détrompez-vous, Monsieur l'Ingénieur ! Les spoliés ont bonne mémoire. Lors des préliminaires du traité de paix – signés entre les États-Unis et l'Angleterre le 30 novembre 1782 –, il avait été admis, comme le demandait le gouvernement de Sa Majesté, « que les propriétés et les biens confisqués aux sujets britanniques leur seraient rendus ; qu'ils ne feraient l'objet d'aucune poursuite, soit dans leur personne, soit dans leurs biens, même s'ils avaient pris part à la guerre d'Indépendance contre les Américains ». Cela devait être confirmé dans le traité définitif, signé à Versailles le 20 janvier 1783. Mais l'hostilité des patriotes envers les loyalistes demeurait vive. Cela empêcha leur gouvernement de donner satisfaction à l'Angleterre. Après de longs débats, les plénipotentiaires convinrent seulement que le Congrès fédéral

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