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Le Pont de Buena Vista

Le Pont de Buena Vista

Titel: Le Pont de Buena Vista Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Maurice Denuzière
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« recommanderait » aux gouverneurs des États de traiter avec justice et générosité ceux qui, dans un premier temps, avaient refusé la citoyenneté américaine. Cette recommandation fut, dans bien des cas, ignorée.
     
    – Et que sont devenus les loyalistes qui restèrent aux États-Unis ? demanda Murray.
     
    – Certains se repentirent. Ils furent autorisés à racheter leurs biens et propriétés quand les autorités fédérales eurent constaté que le départ de ces familles pouvait être une perte de substance pour la jeune république. Car il faut savoir que les loyalistes appartenaient le plus souvent à une élite instruite et éduquée, laquelle faisait cruellement défaut aux nouvelles institutions. Parmi ces ralliés figura Bertie I er Cornfield, mon arrière-grand-père, dont le frère cadet, Rupert, officier loyaliste, avait été tué par les insurgents à la bataille de King's Mountain, en Caroline du Sud, le 7 octobre 1780. La sœur de Bertie et de Rupert, Helen, épousa un banquier de Boston et devint elle aussi américaine. Les descendants de cette branche Cornfield sont nos cousins et petit-cousins de Charleston, de Boston et de New York.
     
    – Mais les Cornfield de Soledad sont restés citoyens britanniques, puisque l'archipel appartient toujours à la Couronne ? observa Charles.
     
    – En effet, Maxence, mon grand-père, troisième lord, au contraire de son père Bertie, resta fidèle à la mère patrie et vint s'installer à Soledad, propriété familiale jusque-là négligée, tandis que sa sœur Margaret rentrait en Angleterre pour épouser un Murray d'Écosse. D'où notre parenté, cher Malcolm, dit Simon Leonard.
     
    – Peut-être faut-il ajouter, Simon, que beaucoup d'amis de votre famille, qui eussent mieux fait de s'établir dans nos îles, rentrèrent au pays, comme on disait alors. Je pense à Thomas Hutchinson, riche marchand de Boston, diplômé de Harvard, magistrat intègre, gouverneur du Massachusetts. Il avait tout de suite mis en doute l'argumentation historique de la Déclaration d'indépendance et proclamé que la souveraineté de l'Empire britannique ne pouvait être contestée. Les patriotes brûlèrent sa maison et il partit pour l'Angleterre où son fils publia, en 1828, l'œuvre majeure de ce loyaliste, History of Massachusetts Bay . Il y eut encore Joseph Galloway, éminent juriste de Philadelphie, diplômé de Yale, membre du premier Congrès continental. Il dut lui aussi, comme Myles Cooper, clergyman , professeur de philosophie au King's College, quitter l'Amérique, où il avait fait sa vie, après que ses propriétés eurent été confisquées par l'État de Pennsylvanie. Ainsi, monsieur Desteyrac, nous avons vécu et vivons toujours les conséquences des luttes fratricides entre colons anglais, confessa le major.
     
    – Si douloureux qu'ils furent, ces conflits aboutirent cependant à la fondation des États-Unis, puissance neuve sans autre passé héroïque qu'une guerre civile, reconnut Cornfield avec franchise.
     
    – Chateaubriand écrit dans ses Mémoires d'outre-tombe  : « Les guerres civiles sont moins injustes, moins révoltantes et plus naturelles que les guerres étrangères », cita Charles.
     
    – Pourquoi, s'il vous plaît ? s'enquit sèchement Cornfield.
     
    – D'après notre mémorialiste, parce que « les guerres civiles sont fondées sur des outrages individuels, sur des aversions avouées et reconnues », ce qui fut bien le cas, semble-t-il, entre loyalistes et indépendantistes ? compléta Charles.
     
    – Ce sont là élucubrations de prosateur romantique ! intervint le lord. La guerre entre citoyens d'une même patrie laisse des plaies inguérissables. Nous n'avons pas oublié, en Angleterre, Cromwell et ses Têtes rondes, et les Français se souviennent encore des luttes de la Fronde et des massacres de la Saint-Barthélemy. Ainsi, les Carolines gardent le triste souvenir et les stigmates de la guerre d'Indépendance. Il faut reconnaître que les troupes britanniques, soutenues par les loyalistes et des esclaves noirs, auxquels, des deux côtés, on promettait la liberté, se conduisirent aussi durement que l'armée de Washington. Sitôt l'indépendance acquise, les Noirs abandonnés par l'armée anglaise et ceux délaissés par celle de Washington commencèrent à piller les maisons de leurs maîtres, détruisirent parfois les plantations par le feu, et se firent de plus en plus arrogants. Dans

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